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La conservation écoresponsable d’archives

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    Un mégaoctet en archivage électronique sur une durée de 50 ans (avec un SAE complexe) émet entre 8 et 80 gEqCO2, contre 3,3 et 9 kgEqCO2 pour une boîte de classement papier sur une durée de 3 ans. (Canva)
  • Qu’elles soient physiques ou numériques, les archives — et surtout leur conservation — ont un impact sur l’environnement. Travaux de rénovation, écogestes, sobriété numérique… Des pratiques se mettent plus ou moins en place au sein des organisations.

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    Quand certains se questionnent sur « qui aurait pu prédire la crise climatique ? », d’autres sont déjà sur le pied de guerre pour agir de manière éclairée sur leurs impacts environnementaux. Les enjeux écologiques rentrent de plus en plus en compte dans les politiques des organisations. Même s’il faut avouer que le greenwashing se démocratise largement par la même occasion.

    Le monde des archives a lui aussi son rôle à jouer dans la lutte contre le réchauffement climatique. Que ce soit au niveau des pratiques, des bâtiments, des outils, du système de conservation ou même à l’échelle de la gouvernance de l’information, les leviers sont nombreux.

    Au sein des Archives départementales du Calvados, la réflexion engagée sur le sujet se transforme en actions concrètes. En 2019, l’institution a réalisé des travaux de performance énergétique du bâtiment avec une réfection des systèmes du contrôle de l’air et l’amélioration de l’isolation des fenêtres.

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    « Un service d’archives, c’est aussi un bâtiment et une emprise au sol importants », explique Julie Deslondes, directrice des Archives départementales du Calvados.

    Un bâtiment avant tout

    En ce qui concerne la conservation des archives, l’efficience du bâtiment reste un incontournable pour réduire sa consommation énergétique et donc limiter son impact environnemental. D’autant plus qu’avec les canicules à répétitions et les variations de température qu’engendre le réchauffement climatique, la qualité du bâti a un impact majeur sur la conservation.

    Mais de manière générale, l’investissement est aussi lourd que le processus est long. Dans le cas d’archives départementales, la décision se joue au niveau du département qui alloue ou non les budgets. « À l’époque où nous avons décidé les travaux, les crédits et les aides mis en place par l’État étaient moins fléchés qu’aujourd’hui », reprend Julie Deslondes. « Des efforts ont été faits, mais on ne pouvait pas chercher à ce moment-là des enveloppes de rénovation énergétique pour aller plus loin. »

    Aux Archives départementales de Seine-Maritime, la mise en place de consignes climatiques variables répond à un triple objectif : la conservation des archives, l’exploitation du bâtiment et un enjeu environnemental. Entre 2016 et 2017, la Tour des archives de Rouen (le plus ancien des trois sites des Archives départementales de Seine-Maritime) fait face à d’importantes moisissures dans les magasins.

    En cause ? La maîtrise du climat et une humidité trop élevée. Le bâtiment de 89 mètres de haut (qui peut accueillir 39 kilomètres linéaires d’archives) date de 1965. À lui seul, il représente un quart de la consommation énergétique de l’Hôtel du Département. Sachant qu’on n’y trouve que des espaces de stockage…

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    « Nous avons demandé l’expertise du Service interministériel des Archives de France (Siaf), rattaché au ministère de la Culture, qui est venu faire un audit dans notre bâtiment », précise Thomas Bernard, directeur adjoint des Archives départementales de la Seine-Maritime. « Les soucis d’étanchéité complexifient le fonctionnement des centrales d’air installées dans chacun des soixante magasins. »

    Classer, trier, optimiser

    Ce diagnostic fait pencher la balance vers un changement de méthode. « Le modèle canonique pour la conservation des archives était de 18 °C et de 50 % d’humidité relative », détaille Thomas Bernard. « Le ministère de la Culture nous conseille depuis 2009 d’éviter surtout les variations de température.

    Nous pouvons admettre des températures comprises entre 16 °C (en hiver) et un maximum de 23 °C, et entre 40 et 55 % d’humidité relative. Nous avons mis en place ces consignes dans un but de conservation préventive. Derrière cela, il y a évidemment des économies d’énergie. »

    Cependant, la seule mise en place d’un tel dispositif ne permettra pas de compenser l’étanchéité du bâtiment. « Ce n’est pas la solution miracle, car nous avons toujours des dépassements. Il faudrait aussi des travaux d’isolation dans les magasins, par exemple. Mais en l’état, sans trop de moyens, cela permet de limiter les variations climatiques. »

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    Outre la performance du bâtiment, d’autres écogestes sont possibles. « Je pense aussi que les choix que nous faisons en matière d’évaluation et de classement vont avoir plus ou moins d’impact sur l’artificialisation des sols et surtout sur le poids énergétique de la conservation », explique Julie Deslondes. « L’enjeu culturel et patrimonial est prioritaire, mais il faut avoir conscience que dès que nous classons, dès que nous trions, dès que nous améliorons notre sélection, nous mettons à disposition des données de meilleure qualité pour le public et nous gérons mieux la surface, et donc notre impact. »

    La conservation-restauration préventive, le dépoussiérage régulier pour éviter la consommation massive d’oxyde d’éthylène, l’utilisation de matériaux de conservation moins impactant, ou encore la création de scénographies pérennes pour les expositions des collections sont autant de leviers d’action.

    Une gestion de l’information vertueuse par essence ?

    Les services d’archives et les organisations de manière plus large, optent aussi pour la dématérialisation de leurs archives à travers des systèmes d’archivage électronique (SAE). Selon le référentiel 2022 de la dématérialisation écoresponsable co-construit par Serda-Archimag et la Coopérative Carbone, un mégaoctet (Mo) en archivage électronique sur une durée de 50 ans (avec un SAE complexe) émet entre 8 et 80 gEqCO2 (fourchette haute) contre 3,3 et 9 kgEqCO2 pour une boîte de classement papier sur une durée de 3 ans (une boîte = 6 Mo). Même si les écarts d’impacts sont considérables, le numérique n’est pas sans conséquences sur le réchauffement climatique.

    Les infrastructures nécessaires pour le fonctionnement des systèmes d’archivage électronique, la journalisation (sauvegarde de toutes les données de la vie d’un document), la non-limitation de la conservation et l’utilisation des capacités réseau font partie des points négatifs de la dématérialisation des archives.

    « Il faut inculquer aux futurs gestionnaires de l’information, dès leurs études, le développement de solutions écoresponsables », constate Mathieu-Alex Haché, analyste en gestion de l’information au ministère de l’Emploi et du Développement social (EDSC) au Canada (il est l’auteur de plusieurs travaux de recherche, dont un sujet sur « Faire cohabiter la préservation numérique et durabilité : un défi paradoxal à relever »).

    « La donnée devrait être considérée comme une ressource épuisable. Avec les archives physiques, nous pouvions percevoir le volume des collections… Avec l’émergence du numérique et la dématérialisation, nous considérons que l’infonuagique est un espace infini, sans encombrement de stockage. Il faut se détacher de cette philosophie. Il y a cette tentation d’archiver tout, avec une surrétention. »

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    La prise de conscience peine à rentrer dans les pratiques. Pourtant, des solutions existent. Pour Pierre Fuzeau, spécialiste de la dématérialisation et directeur de Serda-Archimag, la sobriété numérique passe par une réelle politique d’archivage.

    Concrètement, cela se traduit par la réduction des bandes passantes en fonction du niveau de service des archives, par le choix d’un format plus pérenne, ou encore par la mise en commun de SAE.

    « Les entreprises peuvent mobiliser un seul data center pour toutes si elles mutualisent leur système d’archivage », recommande Pierre Fuzeau. « Cela permet de réduire les matériels, les gestes techniques et métiers pour le fonctionnement, comme pour la mise en place. »

    Dans la politique de gestion des archives, le respect des différentes durées de conservation pourrait aussi permettre de réduire la masse de documents à stocker. « La gestion de l’information est par nature vertueuse », conclut Pierre-Alex Haché. « Elle permet d’élaguer au fil du temps le corpus de documents. Une pratique verte par défaut. »

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