droit : réutiliser des images issues d’internet... prudence !

Didier Frochot DR

 

Aller chercher une image sur internet pour la publier dans un document ou un site web, rien de plus facile techniquement. Mais juridiquement pas si simple.

le contexte

Nombreuses sont les images disponibles sur internet, en toute liberté semble-t-il. Les moteurs de recherche offrent tous un outil spécifique de recherche d’images. Il n’a donc jamais été aussi facile de trouver des images. Mais pas forcément de les exploiter.

quelques faux-semblants

Le mythe du vide juridique sur internet ayant la vie dure, réaffirmons que ce n’est pas parce qu’une image est sur le net qu’elle est réutilisable. Il faut également bien distinguer entre site d’images – agence de photos libres ou payantes, plate-forme de partage – et service d’images des moteurs de recherche. Les premiers procèdent de la mise en ligne d’images réalisée à l’initiative du gestionnaire de l’agence ou du titulaire d’un compte sur une plate-forme de partage telle que Flickr. Les seconds se bornent à afficher les images trouvées sur les sites par leurs robots, à l’appel de mots-clés recherchés par les internautes.

propriété intellectuelle omniprésente

Tout créateur d’oeuvre est, ipso facto, propriétaire intellectuel de celle-ci, quel que soit le type d’image – dessin, peinture, photographie… Le droit d’auteur ou le copyright, selon les pays, impose le principe de l’accord de l’auteur pour exploiter l’oeuvre. Ce principe joue aussi pour les auteurs d’objets – art plastique, architecture – présents sur les images.

et l'open-access?

Depuis quelques années, les licences dites open access ont vu le jour, principalement les licences creative commons [voir notre article in Archimag n° 185 juin 2005]. En principe, ces licences permettent plus de liberté, mais il convient d’être prudent pour d’autres raisons évoquées plus loin.

l'internaute consommateur

L’internaute peut être consommateur d’images. Il lui faut s’armer d’un minimum de connaissances juridiques pour pouvoir consommer sans risque, surtout si consommer signifie exploiter l’oeuvre, au besoin publiquement. Et surtout nous conseillerons de toujours lire préalablement la licence d’exploitation ou les conditions d’utilisation du site sur lequel se trouvent les images. Celles-ci sont souvent suffisamment explicites pour délimiter les droits en présence.

usage restreint

S’il s’agit de récupérer quelques photos pour un usage strictement limité au cercle de famille, la plupart des photos dites « libres de droits » feront l’affaire, mais il convient de bien lire les conditions d’utilisation.

exploitation publique...

Un premier seuil est franchi dès que l’image doit être exploitée publiquement : dans une publication, un tract, un prospectus, un site web, même non commercial. Là encore les conditions d’utilisation dicteront les règles et il devrait être aisé de savoir si une telle exploitation est permise.

...voire commerciale

Le deuxième seuil est celui de la commercialisation, pas forcément de l’image en elle-même, mais son insertion dans un matériel commercialisé, comme un ouvrage, une étude PDF en ligne… Plus rares sont les sites offrant des images pouvant être ainsi utilisées dans un but commercial. La plus grande prudence s’impose.

le cas d'atteinte au droit moral

Enfin, il est des pratiques sur les images récupérées en vue de les exploiter qu’on ne peut faire sans l’accord de l’auteur. Recadrer une photo ou la flouter pour masquer des visages trop reconnaissables constituent des atteintes au droit moral du photographe, spécialement droit à l’intégrité de l’oeuvre. Lorsque la licence creative commons de l’image permet sa modification – absence du signe « = » dans les pictogrammes –, ces opérations sont possibles. À défaut, il convient d’avoir obtenu l’aval de l’auteur : si le droit moral n’est pas cessible formellement, la jurisprudence admet que l’auteur puisse ponctuellement renoncer à certains de ces droits. Autre atteinte possible au droit moral : l’exploitation d’une image numérique dans une basse définition telle qu’elle altère la qualité de l’oeuvre ou sa numérisation de mauvaise qualité. La cour d’appel de Paris a récemment rappelé que la numérisation d’une oeuvre de mauvaise qualité portait atteinte au droit moral de son auteur (à propos d’un dessin de Tintin – Paris, 4e chambre, 14 mars 2007). Enfin, la seule omission de la mention de l’auteur au côté de l’image ou en crédits documentaires constitue un délit de contrefaçon passible des peines habituelles – jusqu’à 3 ans de prison et 300000 euros d’amendes – sans parler des éventuels dommages-intérêts demandés par l’auteur.

l'internaute diffuseur

L’internaute peut aussi publier « ses » images. Deux voies de publications possibles.

publier sur son site ou blog

L’internaute peut publier ses images sur son site ou blog. À supposer qu’il veuille les protéger contre le piratage – juridiquement nommé contrefaçon –, il doit envisager les mesures techniques de protection habituelles : neutralisation du clic droit de la souris, masquage de la source de l’image… Il peut aussi apposer la mention de copyright sur ses images, ou encore afficher celle-ci en tramé en fond d’image. Le tatouage interne de l’image numérique est aussi possible et permet ainsi de tracer plus facilement ses images en cas d’évasion. Enfin, des mentions légales sur son site peuvent rappeler qu’il entend voir respecter son droit de propriété sur ses images.

les plates-formes de partage

L’autre possibilité pour publier ses images est le recours à une plate-forme de partage. La plus vertigineuse est sans nul doute Flickr, propriété de Yahoo, sur laquelle quelque 5 000 à 6 000 photos sont déposées chaque minute par des internautes du monde entier.

de quel droit?

La question à se poser est : de quels droits disposé-je pour publier « mes » images ? Que ce soit sur son propre site ou blog, ou sur des plates-formes de partage, l’expérience montre que nombreux sont les internautes qui publient « leurs » photos, c’est-à-dire celles qu’ils aiment bien, qu’ils ont collectées et qu’ils veulent partager, mais dont ils ne sont pas forcément auteurs. Dans la mesure où ces images sont issues de l’open access, avec les conditions d’utilisation adéquates, c’est licite. Mais ce n’est bien souvent pas le cas et on voit ainsi par exemple s’étaler des albums de photos d’Audrey Hepburn mises en ligne par des fans de l’actrice, au mépris des droits des photographes les ayant prises. En principe, les conditions d’utilisation des platesformes de blogs ou de partage d’images exigent que les internautes disposent des droits nécessaires pour publier ces images, mais qui se soucie de lire de telles règles? Elles sont pourtant explicites et engagent la responsabilité de ceux qui les oublient. Pour Flickr, par exemple, les conditions d’utilisation des services de Yahoo précisent : « Vous garantissez à Yahoo avoir préalablement obtenu les droits nécessaires à cette exploitation et que le contenu est conforme à la loi et ne porte pas atteinte aux droits de tiers » (conditions générales d’utilisation, paragraphe 8). Regrettons cependant que ces conditions ne soient pas soumises à un accord formel de l’internaute qui ouvre un compte sur Flickr : s’il est déjà inscrit à Yahoo, il ne lui est jamais demandé d’accepter formellement ces conditions. Les auteurs de ces photos peuvent à tout moment les faire supprimer de la plateforme Flickr, chose qui n’est pas rare.

un open access de bon aloi?

Dans ces conditions, si je ne suis pas l’auteur des photos que je publie sur mon site, blog ou sur mon compte Flickr ou autre plateforme, de quel droit puis-je m’engager à partager celles-ci en open access ? C’est pourtant ce que font beaucoup d’internautes, faute d’une bonne connaissance de la propriété intellectuelle. De sorte que les images qui sont déclarées en libre accès sur des plates-formes de partage ne le sont peut-être pas. Et le consommateur qui voudrait les exploiter doit faire preuve de la plus grande circonspection avant de décider d’utiliser de telles images pour une utilisation professionnelle, a fortiori commerciale. De plus, certains droits annexes peuvent interférer.

les droits annexes

Reste en effet la question des droits d’auteur sur les objets présents sur les images et les droits à l’image des personnes et des propriétaires. À supposer que je puisse trouver des images libres d’usage professionnel et commercial au regard du droit d’auteur du photographe, ces autres droits restent à prendre en compte et à gérer. La photo représente en principal une oeuvre d’art non tombée dans le domaine public – peinture, sculpture, architecture… ? L’auteur est fondé à demander des droits d’exploitation, à défaut des dommages-intérêts. Des personnes sont présentes sur la photo ? Il convient de bien soupeser les risques de publication de celle-ci sans l’accord des intéressés. Des objets appartenant à des propriétaires apparaissent sur la photo ? Il convient d’être prudent, même si la jurisprudence a récemment apporté des limites aux prétentions des propriétaires [voir sur ces sujets notre article sur La gestion des droits de l’image in Archimag n° 200 décembre 2006-janvier 2007].

 

bibliographie

Conditions générales d’utilisation (CGU) de Yahoo

Cour d'appel de Paris, 4e chambre, 14 mars 2007

Les podcasts d'Archimag
Pour cet épisode spécial Documation, nous nous sommes penchés sur une autre grande tendance de l'année 2024 : la cybersécurité, et plus particulièrement la sécurité dans le domaine de la gestion des données. La protection des données contre les menaces internes et externes est non seulement cruciale pour garantir la confidentialité, l'intégrité et la disponibilité des données, mais aussi pour maintenir la confiance des clients. Julien Baudry, directeur du développement chez Doxallia, Christophe Bastard, directeur marketing chez Efalia, et Olivier Rajzman, directeur commercial de DocuWare France, nous apportent leurs éclairages sur le sujet.