Pour décrypter les dynamiques en perpétuelle mutation de la veille professionnelle, Archimag et ChapsVision ont uni leurs expertises pour sonder le cœur de cette discipline stratégique. Une enquête menée auprès de plus de 100 professionnels aguerris, entre décembre 2023 et janvier 2024, révèle les contours actuels des pratiques, des outils privilégiés, des défis rencontrés et des perspectives d'avenir de ceux qui œuvrent au quotidien au service de l'intelligence économique et stratégique des organisations. Cette étude inédite explore en profondeur les typologies de veille mises en œuvre, la panoplie d'outils mobilisés, l'impact naissant de l'intelligence artificielle et la perception du rôle crucial du veilleur au sein de l'entreprise. Voici les principaux enseignements qui se dégagent de ce baromètre essentiel.
Une première observation frappante concerne la taille des équipes de veille, qui tend vers une réduction. En effet, la proportion des cellules de veille composées de 1 à 3 personnes s'est accrue, passant de 66,11 % en 2023 à 75 % en 2024. Cette concentration des activités au sein de structures allégées interroge sur une potentielle optimisation des ressources ou une exigence accrue de polyvalence pour les veilleurs. Le nombre d'équipes composées de 4 à 6 personnes a légèrement diminué, tandis que les équipes de 7 personnes et plus restent marginales.
Évolution des types de veille : priorité à l'informationnel et regain du concurrentiel
Du côté des types de veille, une certaine stabilité se dessine, avec une prédominance incontestée de la veille informationnelle (actualités), qui enregistre même une légère progression (81,73 % en 2024 contre 79,33 % en 2023). La veille juridique et réglementaire se maintient également à un niveau d'adoption élevé (50 %). Toutefois, un regain d'intérêt notable est observé pour la veille concurrentielle, qui gagne 10 points en un an (de 24 % à 34 %), soulignant une prise de conscience accrue de la nécessité de surveiller activement son environnement concurrentiel pour ajuster sa stratégie.
En matière d'outils de veille, la combinaison de solutions gratuites et de plateformes professionnelles payantes demeure la norme. On note cependant une légère inflexion en 2024, avec une augmentation de l'utilisation des outils gratuits (de 62,57 % à 66 %) et une légère baisse du recours aux plateformes payantes (de 40,78 % à 37,50 %). Le recours à plusieurs outils est une pratique de plus en plus répandue, témoignant d'une recherche d'efficacité et d'adaptation aux besoins spécifiques.
Stratégies de diffusion : prédominance de la newsletter et montée des plateformes collaboratives
La diffusion de l'information de veille s'appuie toujours fortement sur la newsletter, qui reste le canal privilégié (60,24 % en 2024). L'importance croissante du portail de partage intégré à l'outil de veille (26 % en 2024 contre 22 % en 2023) et de l'intranet confirme le rôle central des plateformes collaboratives pour une dissémination efficace. Les stratégies de diffusion évoluent également, avec une volonté de plus en plus marquée d'inciter les collaborateurs à venir consulter l'information, via des notifications et des recommandations ciblées.
L'accompagnement du changement dans les démarches de veille met en lumière l'importance cruciale de l'implication de la direction (39,76 % en 2024) et de la mise à disposition d'un portail de partage de l’information interactif (32,52 % en 2024). Ces éléments sont perçus comme des facteurs clés de succès pour l'adoption de la veille au sein des organisations. Les départements utilisateurs les plus friands des services de veille restent le management et la direction, suivis par le marketing et la communication et la R&D, confirmant la transversalité de la veille.
Des marges de progression pour mesurer l'impact de la veille
Si l'interaction des collaborateurs avec le contenu de veille progresse légèrement (notamment les partages), le nombre de collaborateurs interagissant fréquemment demeure faible. Des efforts sont donc encore nécessaires pour favoriser une plus grande implication. La mesure de l'impact de la veille prend de l'ampleur, avec une forte augmentation de l'utilisation des statistiques de consultation comme indicateur principal (de 44,88 % à 60,24 %). La reconnaissance du rôle des veilleurs au sein de leur organisation reste un enjeu, avec une part importante des répondants estimant bénéficier d'une reconnaissance "moyenne".
Valoriser leur double casquette de "dénicheur d'information" et d'analyste apparaît essentiel pour améliorer cette reconnaissance. Concernant les budgets dédiés à la veille, une stabilité relative est observée, avec une majorité de budgets maintenus (62,65 %). Il est intéressant de noter qu’une augmentation des budgets est davantage constatée dans les organisations où la veille a démontré son retour sur investissement.
Un avenir marqué par l'essor de l'Intelligence Artificielle
Enfin, l'arrivée de l'intelligence artificielle suscite un intérêt certain (53 % d'opinions positives), bien que son impact concret sur les missions des veilleurs reste encore limité (14,63 %). Le sourcing et la curation sont identifiés comme les tâches les plus susceptibles d'être transformées par l'IA.
Les professionnels de la veille doivent continuer à s'adapter aux évolutions technologiques, à valoriser leur rôle auprès des directions, et à utiliser des outils et des méthodes efficaces pour répondre aux besoins de leur organisation.