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Passeports 2030 : quand un simple livret devient un passeport numérique de confiance

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    Avec son EU Digital Identity Wallet (EUDIW), prévu par eIDAS 2, l’Union européenne ambitionne de fournir à chaque citoyen, résident et entreprise une identification numérique sécurisée et le partage de documents pour tous (EyeEm/Freepik)
  • Pendant des décennies, notre passeport n’était qu’un carnet épais dans lequel on glissait notre carte d’embarquement et notre reçu de bagages. En 2025, ce petit livret concentre désormais autant de technologies qu’un smartphone : antennes invisibles, clé cryptographique, application mobile miroir… Et même un tunnel chiffré dès que l’on s’approche d’une borne automatique !

    couv_-_fake_news.jpgenlightenedCET ARTICLE A INITIALEMENT ÉTÉ PUBLIÉ DANS ARCHIMAG N°386

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    Des feuilles transparentes comme les vitres d’un aquarium. Voilà le point de départ d’un passeport actuel. Sur ces feuilles de polycarbonate s’impriment des motifs anticopie : de micro-textes qui ne se lisent qu’à la loupe, des encres qui changent de couleur sous une lampe UV, des fenêtres transparentes gravées au laser, etc. Entre deux couches se glisse une antenne en cuivre de quelques micromètres d’épaisseur, sorte de lasso métallique qui captera le champ radio des lecteurs. Le fabricant Linxens a présenté, lors du salon Identity Week Europe, un "datapage" 15 % plus fin que la génération actuelle, l’épaisseur économisée laissant suffisamment de place pour ajouter encore plus de niveaux de sécurité sans alourdir le document.

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    L’arrivée du "cœur" électronique

    Ensuite, c’est dans une salle blanche qu’un bras robotique colle une puce de la taille d’un grain de riz. Grâce à la technique Coil-on-Module, la puce et l’antenne sont reliées sans soudure. L’ambition étant de réduire le risque de rupture lors des passages répétés en borne automatique. La puce est vide pour l’instant. À ce stade, ce n’est qu’un coffre-fort attendant son code.

    Personnaliser, tester, sceller

    Vient alors l’étape de la personnalisation. Photo, nom, prénom et date de naissance sont gravés au laser à l’intérieur même de la matière : impossible de les racler ou de les décoller. Au même instant, le serveur de l’imprimerie génère une signature numérique avec un certificat baptisé DSC (Document Signer Certificate), qui garantit que ces données proviennent bien de la France, de la Belgique ou du Canada, et non d’un fraudeur. Des caméras 4K contrôlent chaque page : si une poussière s’est glissée sous la feuille, le passeport est détruit et la puce rendue inutilisable.

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    L’enrôlement : la rencontre avec son titulaire

    La scène suivante se joue au guichet de la mairie ou du consulat. Empreintes digitales, visage, signature : le citoyen transmet ses données biométriques. Elles seront chiffrées et copiées sur la puce. Le livret se referme : il ne s’ouvrira plus qu’avec la bonne clé.

    PACE : la porte blindée invisible

    Au départ, les passeports sans contact utilisaient un protocole baptisé BAC (Basic Access Control). Un dispositif sûr… pour les années 2000. Depuis, des pirates ont démontré qu’il pouvait être forcé en quelques heures. La réponse s’appelle PACE (Password Authenticated Connection Establishment).

    Comment l’imaginer ? Prenez la borne automatique d’un aéroport : elle lit la MRZ (Machine Readable Zone), c’est-à-dire les trois lignes de chiffres au bas de la page d’identité, qui sert de mot de passe. Passeport et borne créent ensuite, grâce à un échange mathématique (ECDH), deux clés AES inédites qui ne vivront que quelques secondes. Tant que la borne ne connaît pas la MRZ, la puce reste muette. Depuis le 1er janvier 2025, tous les nouveaux passeports utilisent PACE : une mesure décidée par l’Organisation de l’aviation civile internationale (OACI), grand ordonnateur mondial des documents de voyage. Le protocole BAC sera d’ailleurs définitivement retiré du standard au 1er janvier 2028.

    Le PKD : l’annuaire mondial des clés

    Comment la Police aux frontières d’Oslo vérifie-t-elle une signature numérique émise par les Philippines ? Grâce au PKD (Public Key Directory), un "annuaire des clés" hébergé par l’OACI. Chaque pays y dépose ses certificats, mis à jour quotidiennement. Un agent n’a donc plus à contacter chaque capitale, il lui suffit de synchroniser son terminal. En 2026 sortira PKD 2.0 : ouvert au secteur privé, mis à jour en temps réel via API, il permettra aussi de valider les nouveaux formats numériques que sont le DTC (Digital Travel Credential) et le Visible Digital Seal.

    Vers le passeport sans papier : DTC et wallet européen

    Le Digital Travel Credential (DTC) est un clone électronique du passeport stocké dans votre smartphone. Dans la version "Type 1", vous gardez votre livret, mais prévalidez la plupart des vérifications depuis chez vous. En "Type 3", à terme, plus de livret papier : la borne de passage à la frontière ne lira que votre téléphone et votre visage. La Finlande, les Émirats arabes unis et le Canada testent déjà la chose sur des lignes régulières vers le Royaume-Uni.

    De son côté, la Commission européenne pousse l’EUDI Wallet dans le cadre de la version 2 du règlement eIDAS. Objectif : un porte-documents numérique unique pour les citoyens européens. Il contiendra carte d’identité, permis de conduire, diplômes, moyens de paiement, et, plus tard, les DTC. Pour assurer l’interopérabilité, Bruxelles s’est entendue avec l’OACI : même racine cryptographique, mêmes standards de signature.

    Contrôles aux frontières : des files plus courtes, une sécurité accrue

    À l’aéroport d’Helsinki, les bornes "walk-through" reconnaissent le visage en moins d’une seconde. La puce, débarrassée de BAC, parle en PACE-CAM (fusion PACE et Chip Authentication) et le lecteur vérifie d’un coup la clé du pays, l’authenticité de la photo et la correspondance biométrique. Résultat : un temps de passage moyen réduit de 60 %.

    Par ailleurs, fini le tampon manuel : l’entrée dans le pays se loge dans le journal de la puce et dans la base de la police. Pour le voyageur, c’est un clignement d’œil ; pour la sécurité, un filtre robuste contre la fraude documentaire et l’usurpation d’identité. L’OACI pousse le concept du Journey Pass, qui ambitionne de supprimer les cartes d’embarquement et le check-in d’ici 2028, en fusionnant DTC, boarding pass et bag-tag. Les formalités aéroportuaires deviendraient alors invisibles…

    Et après ? L’œil sur le quantique et l’environnement

    Le prochain défi sera la cryptographie post-quantique : quand les futurs ordinateurs quantiques pourront casser les clés actuelles, il faudra migrer vers d’autres algorithmes. Certains pays étudient déjà des "cartes d’identité hybrides" capables de parler les deux langages. Autre enjeu : l’empreinte carbone. Les nouveaux datapages ultrafins économisent du plastique, et l’impression laser réduit la consommation d’encres volatiles.

    Dans un futur proche, vous ne glisserez peut-être plus un livret dans votre poche ou votre sac à main, mais vous emporterez toujours ce qui fait son essence : une preuve robuste, universelle et instantanée de qui vous êtes. C’est cette révolution - discrète mais décisive - que nous vous raconterons, en direct d’Amsterdam.


    Archimag, acteur et témoin

    Parce que nous suivons l’écosystème de la gestion documentaire et de l’identité depuis 40 ans, nous avons animé la conférence "Supporting the world with security innovations for enhanced document design" lors du salon Identity Week Europe, qui s’est tenu les 17 et 18 juin au RAI Amsterdam et avons couvert l’événement en allant à la rencontre des acteurs de ce marché en plein essor.

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