Temps de lecture : 6 minutes
Découvrez Le Brief de la Démat, la newsletter thématique gratuite d'Archimag sur la transformation numérique !
C’est une question à un million d’euros : où naît l’innovation ? Voit-elle le jour dans les laboratoires des universités ? Dans les pôles de compétitivité ? Ou bien dans les garages comme au temps où Steve Jobs et Steve Wozniak bricolaient leurs premiers Mac ?
Lire aussi : Design sprint : innover en 5 jours, c'est possible ?
L'innovation vient de partout
« Pour innover il faut des espaces ouverts, autant de diversité que possible et se sentir libre de désobéir quand il le faut », estime Francis Pisani. Pour cet observateur baroudeur qui a vécu une quinzaine d’années dans la Silicon Valley, rien de mieux qu’un tour du monde de l’innovation pour comprendre comment les innovations voient le jour (L’avenir de l’innovation. Chroniques digitales d’un tour du monde - Observatoire Netexplo). Ses pérégrinations l’ont mené à Mexico, Dakar, Santiago du Chili, Singapour, Belgrade, Tokyo, San Francisco…
Son constat mérite d’être écouté :
« Contrairement à ce qu’on croit du côté de la Silicon Valley et de certaines institutions bien assises, le phénomène nouveau, impossible à contenir, c’est que l’innovation vient aujourd’hui de partout. Une tendance qui ne peut que s’accélérer ».
À ses yeux, les laboratoires n’ont pas le monopole de l’innovation, ni même la Silicon Valley qui a fini par lui donner « une épuisante impression de déjà vu ».
L’État a-t-il un rôle à jouer dans les processus d’innovation ? Francis Pisani rappelle que même la très libérale Silicon Valley a bénéficié du soutien de l’État, « ce que les chantres du modèle californien passent souvent sous silence ».
Mais il est vrai que la vitalité de la vallée californienne est également favorisée par un écosystème favorable : présence de nombreux chercheurs, implantation d’universités, appuis financiers…
Lire aussi : Comment animer une séance de créativité en 7 étapes
55 pôles de compétitivité
En France, c’est cette logique d’écosystème vertueux qui a donné naissance aux pôles de compétitivité. Lors de leur lancement en 2004, on en comptait un peu plus de 70. Dix-sept ans plus tard, 55 pôles de compétitivité sont répartis sur l’ensemble du territoire français.
Ces regroupements d’entreprises et de laboratoires ont vocation à favoriser des projets collaboratifs de recherche et développement. Leurs domaines d’application sont variés : l’énergie, la chimie, les transports, la céramique, le numérique…
En Île-de-France, Cap Digital rassemble aujourd’hui plus d’un millier d’organisations (PME, grandes entreprises, laboratoires, établissements de recherche…) et travaille sur la filière numérique au sens large dont le traitement des données et des contenus.
Parmi les 162 membres présents dans ce groupe de travail, on trouve des acteurs connus pour leur savoir-faire dans l’archivage audiovisuel, comme l’Ina, et le prestataire Capital Vision.
Lire aussi : Logiciels d’entreprise : cap sur l’innovation
Constat mitigé pour les pôles de compétitivité
Reconnaissons-le : à ce jour, aucune innovation majeure n’est sortie de Cap Digital. Mais les adhérents y trouvent autre chose : des possibilités de partenariat et de financement, ainsi que de l’expertise.
Avec le recul, quel bilan tirer de ces pôles de compétitivité ? En 2017, France Stratégie dressait un constat mitigé. Pour un euro de financement public, « ce sont en moyenne près de trois euros — dont environ deux euros sur ses propres deniers — qu’une entreprise membre d’un pôle a engagés ».
Malheureusement, « aucun effet significatif en aval de la R&D » ne s’est manifesté, qu’il s’agisse de brevets déposés, de chiffre d’affaires, d’exportation, d’emploi ou de productivité.
Conclusion de France Stratégie : il convient « d’élever le niveau d’exigence lors de la sélection des projets » si l’on veut soutenir « des écosystèmes d’innovation en devenir ».
Lire aussi : Les acteurs de la démat face à la digitalisation : quelles sont leurs stratégies d’innovation ?
Un lieu pour les start-up « en phase d’amorçage »
Autre lieu dédié à l’innovation, Paris&Co se présente sous la forme d’une plateforme d’innovation consacrée aux industries numériques culturelles et créatives.
Lancée en avril 2016, elle se décline aujourd’hui en une douzaine de thématiques dont l’une est plus particulièrement dédiée à la lecture et au document : le Labo de l’édition. Celui-ci a pour vocation de fédérer les auteurs, les éditeurs, libraires, les bibliothèques, les lecteurs et les start-up autour des enjeux numériques de l’édition. Tout naturellement, le Labo de l’édition se trouve au cœur du Quartier latin.
À la fois espace de rencontres (formation, ateliers, hackathons…) et incubateur de start-up, le lieu accueille dix équipes-projet par an au moment de leur « phase d’amorçage ». Cette étape qui intervient après la création de la start-up est souvent délicate pour les entrepreneurs qui peuvent trouver ici de judicieux conseils pour poursuivre leur aventure.
Une soixantaine d’entreprises sont passées par le Labo de l’édition et 70 % sont toujours en activité six ans plus tard.
Lire aussi : Intelligence économique : les veilleurs doivent-ils faire de la prospective ?
Draft Quest
Des réalisations ont-elles vu le jour ? Oui, Draft Quest est un site qui accompagne les internautes dans l’écriture d’un premier jet de fiction, scénario ou récit. Il s’adresse aux lycéens, aux étudiants, aux écrivains en herbe et aux personnes désireuses de conserver une activité intellectuelle régulière.
Organisé autour d’étapes successives, Draft Quest se veut très pragmatique pour aider les futurs prix Goncourt à écrire : par où commencer ? Qu’est-ce qu’une bonne histoire ? Comment construire son histoire ? Etc.
Déjà lu
Autre projet abouti, la plateforme de recommandations Déjà lu permet aux lecteurs de trouver des livres proches de leurs centres d’intérêt et de partager leurs coups de cœur.
Pour les créateurs de Déjà lu, le caractère innovant de la plateforme s’appuie sur l’intelligence artificielle : « Notre algorithme analyse vos lectures et vous propose des livres qui pourraient vous plaire. La cerise sur le gâteau : des idées de lectures issues de podcasts, vidéos, évènements et autres contenus livresques ».
Lire aussi : L'intelligence économique en Afrique : un laboratoire d'innovations
Innovation ouverte
Apparu au milieu des années 2000, le concept d’innovation ouverte repose sur l’idée que les entreprises n’innovent plus seulement par elles-mêmes et qu’elles doivent désormais s’appuyer sur des réseaux extérieurs tels que les partenaires, les fournisseurs et même les clients !
C’est ce qu’a compris Orange qui est par ailleurs déjà présent dans dix pôles de compétitivité. Sa stratégie conduit l’opérateur à intégrer des lieux dédiés à l’innovation comme Numa Paris ou les Cantines numériques de Nantes et de Rennes. Sa participation se traduit par un soutien financier afin « de faire rapidement émerger des solutions inédites ».
Orange, qui est également présent à l’international, lorgne du côté des jeunes pousses situées dans les pays émergents. Au Sénégal, à l’île Maurice et au Niger, l’opérateur apporte un soutien aux incubateurs de start-up locales. À Dakar et à Saint-Louis du Sénégal, sa filiale Sonatel met en place les solutions de connectique indispensables à leur activité et contribue aux « Start-up week-ends ». Objectif : encourager les étudiants et les autoentrepreneurs à développer leur culture entrepreneuriale.
De la Silicon Valley à Paris, en passant par Dakar, l’innovation semble plus insaisissable que jamais. Et plus prometteuse également.