Sophie Cornière, l’énergie du désespoir

Sophie Cornière, normande, bibliothécaire, blogueuse. DR

 

Portrait de Sophie Cornière : bibliothécaire, ménagère de moins de 50 ans, militante et désespérée.

Sophie Cornière aime brouiller les pistes, jusque dans sa façon de se décrire : « Bibliothécaire, ménagère de moins de 50 ans, militante et désespérée ». Les présentations faites, c’est pourtant tout en légèreté, sous le pseudo SophieBib, que cette pétulante normande distille sur son blog Desperate Librarian Housewife ses billets « privessionnels ». « J’y raconte mon quotidien tout en essayant de prendre du recul sur mon métier en me plaçant du point de vue de l’usager et de la fameuse ménagère. Ce blog m’oblige à me poser des questions ».
Fière de sa région, la Haute-Normandie, elle n’hésite jamais à en faire la promotion. Un territoire qu’elle s’enorgueillit d’ailleurs de bien connaître, puisqu’elle a ratissé pendant dix ans les routes de la campagne normande à bord d’un bibliobus. « Malgré les trois heures de trajet que nous avalions dans la journée, s’installer sur un marché entre le poissonnier et le boucher pour prêter des livres, en relation directe avec le lecteur, fut une expérience merveilleuse », explique-t-elle.
Car c’est justement ce contact avec le public, dénué de tout échange commercial, qui a toujours porté Sophie Cornière : « Je suis passionnée par le « service public ». En bibliothèque, nous sommes dans l’échange culturel pur avec les usagers, lesquels ont souvent beaucoup de choses à nous apprendre. C’est selon moi la partie la plus intéressante de mon métier : le gagnant-gagnant ».

double casquette

Aujourd’hui, Sophie Cornière est responsable de la bibliothèque de Saint-Sever, la plus importante du réseau de la ville de Rouen. Férue de cinéma et de musique depuis toujours, elle a naturellement choisi de porter cette double casquette en médiathèque. Elle fait d’ailleurs partie de l’Association pour la coopération des professionnels de l'information musicale (Acim) (2). A l’heure où certains établissements ouvrent sans qu’aucun espace ne soit réservé à la musique, elle y milite pour que chacun y ait accès : « Nous avons ainsi publié un manifeste destiné à offrir aux bibliothécaires musicaux se sentant en danger des arguments pour convaincre leur collectivité d’ouvrir ou de sauver ces espaces ».
Ses vingt-cinq ans de carrière offrent à la bibliothécaire normande un regard affûté sur sa profession, qu’elle a vu se transformer radicalement. « Impactés jusque dans notre quotidien par le numérique, nous vivons une véritable révolution, déclare-t-elle ; les bibliothécaires vont devoir s’adapter s’ils ne veulent pas disparaître ». Consciente d’assister à une opposition entre la génération du papier et celle de la dématérialisation, la blogueuse participe au groupe de travail de l’Association des bibliothécaires de France (ABF) : les bibliothèques hybrides (3). « Certains confrères se sentent dépassés par internet et les nouveaux outils, observe-t-elle ; ils ne se rendent souvent pas compte de la nécessité de se mettre au niveau et sont parfois un peu maltraités par leurs collègues. Je refuse de les laisser sur le bord de la route ». Ce combat se traduit par l’animation d’ateliers destinés à leur apprendre à manipuler les différentes plateformes dont internet a le secret. Dans le même esprit, et en partenariat avec l’Agence régionale du livre et de la lecture, Sophie Cornière s’est également investie auprès de sa région en mettant en place des outils (Scoop-it, page Facebook, etc.) pour les discothécaires hauts-normands : « Désormais, chacun peu les utiliser pour lui-même ou de façon collective. Le mieux étant bien sûr des les mutualiser ! ».

regard lucide et inquiet

Derrière sa posture associant habilement l’humour au désespoir, son regard sur son métier n’en est pas moins lucide et inquiet : « Comme beaucoup, je crains que les bibliothécaires ne résistent à la tempête dans laquelle ils se trouvent. Car, contrairement à certains pays dont on s’inspire habituellement, la France n’a pas de loi sur les bibliothèques. Celle-ci pourrait poser, comme pour les musées, un ensemble de droits et de devoirs qui nous protègeraient. Il faut savoir qu’aujourd’hui, une bibliothèque peut fermer du jour au lendemain ! », s’indigne-t-elle.
Un jour, Sophie Cornière aimerait prendre la direction d’une bibliothèque indépendante pour être elle-même au contact des élus et discuter de leurs choix budgétaires. Un combat de plus pour cette « biblioblogueuse » ayant plus d’un tour dans son sac… « Ne dit-on pas que plus une femme se libère, plus son sac devient lourd ? », termine-t-elle dans un rire.

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