standards, web et bonnes pratiques archivistiques

 

Comment faire profiter les instruments de recherche des avantages de la diffusion en ligne ? Par leur dématérialisation et par le recours à des standards. La recherche d’informations archivées pourrait bien entrer dans une nouvelle ère.

La première version de la normei d’encodagei des instruments de recherche (1) d’archivesi (DTDEAD) a été publiée en 1998 par l’université de Berkeley. La France s’est penchée sur son utilisation dès l’année suivante, au moment même où sa réflexion sur les instruments de recherche aboutissait à la publication d’un manueli qui leur était consacré. Un des objectifs de cet ouvrage était d’introduire l’usage des normes de description des fonds d’archives (Isad-G) et de leurs producteurs (Isaar). Petit à petit, la normalisation a ainsi gagné les formations, les manuels et les pratiques archivistiques. Parallèlement, le recours croissant à l’internet">i fait quela mise en ligne de contenus devient un enjeu majeur pour toute institution culturelle. Les efforts de normalisation se sont ainsi doublés de questionnements sur les modalités de diffusion des instruments de recherche.
 
des exigences nouvelles pour les instruments de recherche

Les instruments de recherche tendent à se dématérialiser. Il apparaît comme fondamental d’en pérenniser le contenu. Le recours à un langage ouvert, indépendant de toute structure logicielle, s’est imposé. Le XMLeXtended markup language. Métalangage extensible dérivé de SGML permettant de structurer des données. Le XML (Extensible Markup Language ou langage de balisage extensible) est un standard du World Wide Web Consortium qui sert de base pour créer des langages balisés spécialisés. Il est suffisamment général pour que les langages basés sur XML puissent être utilisés pour décrire toutes sortes de données et de textes.">i (extensible markup language ou langage de balisage extensible) a été choisi. Pour envisager la mise en relation de toutes les descriptions d’archives publiées dans le monde, il a fallu prendre soin d’éviter un Babel numérique, en acceptant d’emblée une même grammaire (DTD ou définition de type de documenti pour le XML) : l’EAD. En guise d’exemple, là où nous utilisons Isad-G, les Québécois recourent à RDDA2 (Règles pour la description des documents d’archives) et les États-uniens à Dacs (Describing archives : a content standard). L’EAD permet d’établir des correspondances entre toutes ces normes. L’autre exigence touche à la diffusion des instruments de recherche : les rendre accessibles à un large public, consultables en tout lieu, à toute heure. En la matière, chaque service d’archives départementales conserve par exemple les instruments de recherche de tous les autres services d’archives du pays. Ainsi, un lecteur est déjà en mesure aujourd’hui de consulter un inventairei du Tarn-et-Garonne aux archives de la Moselle. L’idée est bien de numériser ces inventaires et de ne plus obliger le public à se déplacer dans les services pour accéder à ces informations [voir schéma].
 
mise en oeuvre de l’EAD en France

Deux ans ont été nécessaires à la direction des archives de France pour qu’elle décide de préconiser l’utilisation de ce standard dans les services d’archives français, le temps d’achever une phase de tests sur des inventaires existants. Notons que c’est à partir du moment où l’encodage des inventaires traditionnels parut satisfaisant que la norme a été adoptée pour la rédaction de nouveaux inventaires. La profession ne semble pas avoir pris le parti de considérer cette norme d’un point de vue expérimental. C’est quasi systématiquement une logique de reproduction des pratiques de l’inventaire papier à l’outil numérique qui a prévalu et qui prévaut encore largement dans ce domaine. Au niveau national, principalement des guides ont fait l’objet des premières applications d’EAD : la base Bora (fonds privés et prochainement, les fonds photographiques) ,les écrits du for privé (2), le portaili Nouvelle France. Le plus gros effort d’encodage et de publication d’inventaires existants a été fourni pour l’instant par le Centre des archives d’Outre-Mer. Les services d’archives territoriaux ne sont pas en reste, épaulés généralement par les développeurs de leurs logiciels de gestion documentairei. En effet, nombre de services sont en mesure de produire des instruments de recherche en EAD, étant donné que leurs logiciels exportent des données respectant ce format. Pour les services d’archives non informatisés, la note de la direction des archives de France du 21 juin 2002 recommande d’utiliser cette DTD EAD directement, en leur indiquant les moyens à leur disposition pour y parvenir. Devenant ainsi la norme, l’EAD a dès lors fait l’objet de nombreuses séances d’information, de sessions de formation, de réunions de groupes de travail. Pour l’heure, nous ne disposons pas des chiffres nécessaires pour appuyer notre propos, mais l’introduction del’EAD dans les services non informatisés nous semble encore somme toute limitée, au vu des résultats visibles et repérables. D’autres chantiers sont en cours, mais il n’existe pas encore d’interfacei d’accès à tous les instruments de recherche encodés dans les services d’archives français, ni même au niveau international, tel le méta-catalogueListe des notices bibliographiques des documents que possède une bibliothèque. Il permet aux usagers et aux bibliothécaires de vérifier la disponibilité d’un document ainsi que de repérer des documents par auteur, titre, sujet, etc.">i KVK (Karlsruher virtueller Katalog) pour les bibliothèques .A signaler toutefois l’existence d’une initiativede l’OCLC (Online computer library center) intitulée Archives Grid et un exemple de portail fonctionnant outre-Manche, A2A (Access to archives).
 
promotion des bonnes pratiques

Les objectifs des promoteurs de l’EAD sont aussi bien orientés vers les professionnels – harmonisation des pratiques, interopérabilité – que vers le public – pouvoir retrouver et localiser des archives de n’importe où à n’importe quelle heure. Daniel Pitti, directeur adjoint de l’Institute for advanced technology in the humanities de l’université de Virginie (États-Unis), souligne que l’EAD rend possible la reconstitution virtuelle des fonds d’une même provenance, dispersés dans différents dépôts. Ces outils sont développés pour aider l’archivistei à respecter le principe de provenance, mais aussi et surtout à respecter les fonds. La technologie garante des fondamentaux du métier d’archiviste a permis à ces normes d’être assimilées peu ou prou aux pratiques des archivistes. Qui plus est, l’EAD et la normalisation en général sont appelés à faire partie des bonnes pratiques de la profession. En 2004, le Conseil international des archives entérine ceci à l’issue du congrès international de Vienne : le Comité sur les standards de description devient officiellement la Section des standards et des bonnes pratiques archivistiques, puis Comité des bonnes pratiques et des normes professionnelles. Garantir une bonne description du fonds, recourir à Isad-G, à EAD, pour y parvenir, participent du respect du fonds et permettront un jour d’atteindre le plus strict respect des fonds d’après la réflexion des auteurs de cette norme. Enfin, l’enseignement des normes fait désormais partie intégrante de presque tous les programmes de formation initiale d’archivistes et leur maîtrise est requise dans la majorité des offres d’emploi actuellement publiées.
 
des instruments existants mais pas coordonnés

L’EAD existe bel et bien dans de nombreux services mais tous ces instruments numériques ne sont pas encore mis en coordination. Par ailleurs, les niveaux de description utilisés pour les inventaires varient d’un service à l’autre. Les résultats des recherches qui seront faites sur ces descriptions seront à considérer avec un certain recul. La formation des archivistes reste fondamentale pour harmoniser leurs compétences et leurs futures réalisations. Mais il est tout aussi fondamental de sensibiliser les chercheurs à ces problématiques, de les associer à nos réflexions, de réfléchir avec eux aux nouvelles méthodes d’apprentissage de la recherche. Signalons, enfin, qu’en terme de mise en ligne de contenus, les moyens financiers ont généralement été alloués aux projets de numérisation – comme pour l’état civil et le cadastre – plutôt qu’à l’encodage d’instruments de recherche. Pour faciliter l’accès à ces archives numérisées, de nouveaux instruments de recherche ont été produits. Il s’agit parfois de nouveaux types d’outils. S’accompagnent-ils de description de fonds dont ils sont issus, conformes à l’EAD ? Le recours croissant aux logiciels et à la diffusion en ligne des instruments de recherche participe d’une harmonisation des pratiques. Gageons toutefois que l’outil ne sera jamais déconnecté de ses objectifs initiaux etne constituera jamais une fin en soi.
 
dépasser l’EAD, un impératif archivistique

Choisir l’XML-EAD oblige ceux qui le prônent et l’utilisent à s’interroger sur les corollaires de cette technologie et leur évolution. Préconisée comme bonne pratique, elle imposera nécessairement des évolutions à ces pratiques professionnelles. Un nouveau champi de réflexion s’ouvre aux archivistes. A eux de tirer parti de ces possibilités technologiques et de les mettre au service d’un renforcement de notre mission de service publicpar exemple. L’avenir de l’utilisation d’EAD dans les services d’archives passe par une constante mise en relation avec d’autres technologies, elles-mêmes standardisées et libres :
Des normes d’encodage : EAC pour les producteurs, EAG pour les guides d’archives, TEI pour les textes d’archives.
Des normes liées à la diffusion et à l’interconnexion des instruments de recherche : OAI, METS, technologies liées au webi sémantique.
Des usages d’internet : la structuration de réseaux sociaux, la collaboration pour la création de contenu.
Un groupe de recherche de l’université du Michigan a décidé, par exemple, de se pencher sur l’introduction de nouvelles fonctionnalités dans la diffusion en ligne des instruments de recherche (3). Ils s’intéressent notamment aux outils de type collaboratif et aux web services.
 
enjeux prévisibles : rebondir, accompagner et comprendre

L’enjeu majeur de ces prochaines années consistera à se saisir de l’occasion de la normalisation pour bâtir une réflexion de fond sur ce qu’elle permet en termes de recherche, d’avancée des pratiques et fondements de l’archivistiquecontemporaine. Autrement dit, profiter del’opportunité offerte par la normalisation pour la dépasser et la mettre au service du public. Un autre challenge réside dans l’accompagnement des publics dans ces nouvelles logiques de recherche que nous contribuerons à déployer. Nous devons dépasser pour eux le stade de l’instrument de recherche papier, de sa logique, pour nourrir d’autres ambitions en matière de recherche d’informations archivées. Pouvoir accéder à l’information à distance constitue une avancée extraordinaire. Mais contribuer à croiser les sources, collaborer avec le public en vue de l’élaboration d’un inventaire, offrir les moyens d’une recherche elle-même collaborative, ne pas donner l’illusion d’une exhaustivité, introduire de la relativité dans les instruments derecherche, etc., voici des perspectives de travail qui doivent animer nos réflexions (4). Il faudra enfin prendre le temps de comprendre cet âge de la normalisation dans une perspective d’étude historique des pratiques archivistiques. 
(1) Terme générique pour tout outil de description ou deréférence élaboré ou reçu par un service d’archives dans l’exercice de son contrôle administratif ou intellectuel surles documents d’archives. Sources :www.piaf-archives.org, Isad (2) Ecrits du for privé : livres de raison, diaires, autobiographies, mémoires, etc. qui sont conservés dans les archives nationalesi, départementales et communales ainsi que dansles collections de la Bibliothèque Nationale de France et des bibliothèques universitaires ou municipales. Sources :www.ecritsduforprive.fr
(3) Creating the Next Generation of Archival Finding Aids.-E. Yakel, S. Shaw, P. Reynolds. D-Lib Magazine, mai-juin 2007, vol. 13, n° 5-6.
(4) Voir Turning archival thinking upside down : Archivaltheory and the use of databases.- Thomassen, Theo.-Second meeting of data bases about archival information,Rio de Janeiro (Brasil), 15-16 mars 2007.

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Pour cet épisode spécial Documation, nous nous sommes penchés sur une autre grande tendance de l'année 2024 : la cybersécurité, et plus particulièrement la sécurité dans le domaine de la gestion des données. La protection des données contre les menaces internes et externes est non seulement cruciale pour garantir la confidentialité, l'intégrité et la disponibilité des données, mais aussi pour maintenir la confiance des clients. Julien Baudry, directeur du développement chez Doxallia, Christophe Bastard, directeur marketing chez Efalia, et Olivier Rajzman, directeur commercial de DocuWare France, nous apportent leurs éclairages sur le sujet.