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Droit d’auteur et circulation de la connaissance : le point de vue de SavoirsCom1

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    Selon SavoirCom1, "de nombreux moyens sont mis en œuvre aujourd’hui afin d’empêcher la circulation de la connaissance" (Sidious Sid via Visualhunt.com / CC BY-NC-ND)
  • "Quel avenir pour le droit d'auteur à l'ère numérique ?", titrions-nous dans un précédent article. La question se pose aujourd’hui avec une forte acuité. Pour aller plus loin dans les échanges d’argumentaires, nous laissons ici la parole à SavoirsCom1, collectif partisan d’une réforme du droit d’auteur. Un prochain numéro accueillera d’autres points de vue.

    Quelle est la position de SavoirsCom1 sur le droit d'auteur ? 

    La question de SavoirsCom1 n'est pas en premier lieu celle du droit d'auteur. Il s'agit avant tout de penser les connaissances et l'information comme des Communs. Il nous semble important qu'à l'heure où les connaissances peuvent être dupliquées en un instant grâce aux technologies numériques, on cherche à en maximiser la diffusion.

    Initialement, le droit d'auteur a été inventé pour protéger les auteurs contre les abus d'intermédiaires comme les éditeurs. Aujourd'hui, ces mêmes intermédiaires ont retourné le droit d'auteur contre le public, contre les usages transformatifs (remix, mashup, etc.) et contre la circulation des œuvres. 

    De nombreux moyens sont mis en œuvre aujourd'hui afin d'empêcher la circulation de la connaissance, ce que nous dénonçons comme des "enclosures". Il peut s'agir de régressions légales (comme l'absence de dépôt légal obligatoire pour les livres numériques ou l'absence de licence légale pour le prêt numérique en bibliothèque), des contrats entre les institutions publiques et le privé (comme les accords passés entre la BNF et Proquest), de l'émergence de monopoles commerciaux et de positions dominantes (comme celles des éditeurs scientifiques, type Elsevier, ou celles des Gafa), des atteintes à la neutralité du net, etc.

    Quel est alors votre objectif ?

    L'objectif de SavoirsCom1 est d'œuvrer dans le sens d'une meilleure ouverture de la connaissance et du partage des savoirs. La modernisation du droit d'auteur, aujourd'hui dysfonctionnel, ne constitue qu'une petite partie des questions que nous traitons. Nous agissons aussi pour la mise en valeur du domaine public et des droits d'usage qu'il garantit ou pour l'utilisation des licences libres qui favorisent la mise en partage des logiciels, des créations ou des données. 

    SavoirsCom1 prône la libre circulation de la connaissance : pour quelles raisons ? 

    SavoirsCom1 a été fondé à l'origine par des professionnels des bibliothèques et de la documentation, qui étaient naturellement engagés dans ces questions. Pour la même raison qu'il existe des bibliothèques, qui peuvent être regardées comme une des premières formes historiques de Communs de la connaissance, nous agissons pour que se développent des politiques publiques en faveur de la circulation du savoir. Pouvoir accéder à la culture et à la connaissance constitue un droit de l'Homme à part entière, mais son exercice reste trop souvent entravé par de nombreuses barrières économiques, juridiques ou techniques. Au-delà de cela, les Communs sont des ressources créées par des communautés, qui les constituent, les entretiennent et définissent un ensemble de règles pour les gérer (à l'image de ce que l'on a vu émerger avec les logiciels libres ou Wikipédia). Mais il reste toujours nécessaire de protéger ces communautés contre le retour des enclosures et le risque d'accaparement. Sur un plan plus global, la libre circulation de la connaissance, notamment scientifique, est un moyen de rééquilibrer les rapports Nord-Sud, en permettant aux populations défavorisées d'accéder à des traitements ou d'éviter la biopiraterie (c'est-à-dire l'appropriation par des firmes de savoirs ancestraux, pour ensuite en priver les communautés qui les ont transmis). Le numérique est aussi un point d'attention particulier pour nous, car s'il constitue un vecteur pour la circulation des connaissances, il peut aussi provoquer des régressions. Personne ne peut vous interdire de prêter à un ami un livre que vous avez acheté, mais c'est pourtant devenu la règle avec les livres numériques et les systèmes de verrouillage (DRM) que les éditeurs leur associent trop souvent. Pour nous, cette situation est absurde. La chercheuse Elinor Ostrom a reçu en 2008 le prix Nobel d'économie pour avoir démontré que la gestion en commun des ressources pouvait s'avérer plus efficace dans certaines situations par rapport à l'appropriation privée. C'est particulièrement vrai pour les connaissances pour lesquelles le vrai risque n'est pas l'abus, mais la sous-utilisation. 

    Quel type de rémunération envisagez-vous pour les écrivains ? Les scientifiques ? Les musiciens ? 

    Cette question est souvent posée aux partisans de la Culture libre et des Communs, mais c'est avant tout au système du droit d'auteur qu'il faut la poser. Beaumarchais, un des promoteurs historiques du droit d'auteur, aurait dit : "Pour pouvoir dîner, encore faut-il au préalable dîner". Or force est de constater que dans l'immense majorité des cas, ce n'est pas le droit d'auteur qui permet aux créateurs de manger. Une récente étude présentée au Salon du Livre 2016 réalisée à partir des chiffres de l'Agessa (organisme de sécurité sociale des auteurs) montre que seuls 5% d'entre eux sont capables de vivre de leur plume sans avoir un métier par ailleurs. 87% des auteurs touchent moins de 4 000 euros en droits par an. Le problème de la rémunération des créateurs est avant tout interne aux différentes filières culturelles, et il faut avant tout poser cette question aux éditeurs et producteurs, qui sont pourtant les premiers à défendre le renforcement de ce bien mal-nommé "droit d'auteur" !

    Pour trouver des pistes pour repenser le financement de la création, Il faut aller regarder par exemple les travaux de Philippe Aigrain, cofondateur de La Quadrature du Net et parrain de SavoirsCom1. Il a développé un modèle de contribution contributive qui permettrait de rémunérer les artistes tout en autorisant le partage des œuvres et les usages transformatifs.

    La manière dont vous posez cette question de la rémunération des créateurs est aussi étrange, car vous mettez sur le même plan les écrivains, les scientifiques et les musiciens. Or, il faut rappeler que l'essentiel de la recherche naît dans les universités ou les structures de recherche publiques. Les chercheurs sont donc rémunérés par des fonds publics et l'État a déjà payé pour la création de ces savoirs. Il s'agit ensuite de les faire circuler librement et d'éviter qu'ils soient accaparés par des éditeurs scientifiques qui les récupèrent gratuitement et dont les marges dépassent celles d'Apple !

    Enfin, votre question n'envisage que les créateurs professionnels, mais il s'agit aujourd'hui de penser la créativité diffuse, une activité créative-intellectuelle de plus en plus distribuée, et omniprésente, à laquelle s'adonne une part croissante de la population. Il est de plus en plus difficile de distinguer les amateurs des professionnels et nous avons aujourd'hui une situation paradoxale avec des amateurs qui vivent de leurs créations et des professionnels qui n'en vivent pas. Cela appelle à repenser en profondeur la distribution des revenus !

    Les décideurs politiques sont-ils à l'écoute de vos doléances ? 

    Depuis sa création, le collectif SavoirsCom1 a participé à de nombreuses consultations et est intervenu auprès des parlementaires pour proposer des amendements à plusieurs projets de loi. Peu de temps après notre formation, nous avions été les premiers à être consultés par la mission Lescure sur l'avenir du droit d'auteur et plusieurs de nos propositions se sont retrouvées dans le rapport final. Plus récemment, nous avons activement participé, aux côtés de nombreuses autres associations de la société civile, à la consultation publique autour de la loi République numérique portée par Axelle Lemaire. Sur plusieurs des sujets sur lesquels nous nous étions engagés, comme l'open data ou l'open access, le texte contient des avancées significatives. Mais les résistances restent encore très fortes dès qu'il s'agit de modifier à la marge le droit d'auteur : la définition du "domaine commun informationnel" que nous soutenions n'est par exemple pas passée. Néanmoins, ce débat a sensibilisé de nombreux parlementaires à ces questions et les Communs reviendront sur la scène législative !

    Si l'on considère l'énorme différence en termes de moyens qui nous séparent d'acteurs comme le SNE ou les sociétés de gestion collective, type Sacem ou SACD, nous arrivons tout de même à capter l'attention d'un nombre croissant de décideurs politiques. Mais un goulet d'étranglement subsiste encore au niveau gouvernemental et étant donné les règles de fonctionnement de la Ve République, c'est un obstacle important.

    Une bataille d'influence se joue entre vous et des acteurs comme le SNE : quelles sont les actions lancées de part et d'autre ? 

    Du côté du SNE, nous avons été frappés ces derniers mois par une forme de radicalisation du discours, qui nous paraît inquiétante. Cela s'est notamment traduit par la campagne menée contre la réforme du droit d'auteur au niveau européen et contre la loi numérique, avec la parution du pamphlet écrit par Richard Malka ("La gratuité, c'est le vol"). Non seulement, les éditeurs s'opposent mécaniquement à toute forme de révision du droit d'auteur dans le sens des usages, mais ils en viennent à remettre en cause l'existence des mécanismes historiques d'équilibrage entre les ayants droit et les droits du public. On constate une dérive maximaliste de leur discours vers une attaque en règle contre les exceptions au droit d'auteur ou l'existence du domaine public. Cette escalade constitue pour eux un positionnement "tactique", mais cela traduit aussi une évolution idéologique assez préoccupante. 

    De notre côté, nous essayons de mener à la fois un travail assez classique auprès des pouvoirs publics, mais aussi un "grass-root lobbying" appelant les membres des communautés qui nous suivent à agir par eux-mêmes. Nous avons de nombreux relais au sein des associations professionnelles des bibliothèques et de la documentation, qui peuvent s'associer à nos actions et nous tâchons d'oeuvrer pour que des associations et collectifs se rassemblent autour de la promotion des Communs de la connaissance. C'est d'ailleurs un des bénéfices majeurs du débat autour de la loi numérique d'avoir fait émerger une coalition des Communs numériques. Enfin, nous essayons aussi de développer des actions pédagogiques positives, comme le Calendrier de l'Avent du domaine public que nous réalisons chaque année pour signaler les auteurs entrant dans le domaine public ou la Copy Party en bibliothèque, pour sensibiliser à l'importance des droits d'usage. 

    La réforme du droit d'auteur que vous prônez passera-t-elle par la case Europe ? 

    Etant donné que le droit d'auteur est régi par une directive européenne, c'est à ce niveau que se situent les enjeux principaux et la virulence des débats l'an dernier autour du rapport de l'eurodéputée Julia Reda l'ont bien montré. 

    Néanmoins, il existe encore des marges de manoeuvre appréciables au niveau national. Les industries culturelles prétendent souvent qu'aucune réforme n'est possible au niveau français en prétextant des restrictions européennes, mais c'est faux. Le rapport Lescure avait bien montré que de nombreux chantiers peuvent être ouverts en France, comme la reconnaissance positive du domaine public, la légalisation des usages transformatifs ou l'élargissement de l'exception pédagogique et de recherche. La loi numérique a aussi montré que le législateur français pouvait faire bouger les lignes, en abordant des sujets comme ceux de la liberté de panorama ou de l'exception en faveur du text et data mining. 

    Mais il est certain que certaines évolutions, comme celle de la réduction de la durée du droit d'auteur, passent nécessairement par l'échelon européen, et c'est aussi à ce niveau que la question de la légalisation du partage pourrait être le plus efficacement posée. Néanmoins, l'épisode du rapport Reda a montré que le rapport de forces restait déséquilibré et la Commission semble à nouveau vouloir repousser la réforme du droit d'auteur, tout en avançant parallèlement sur le volet d'un durcissement de la répression. 

    Par conséquent, l'avenir reste incertain. C'est pourquoi il reste essentiel de ne pas agir seulement au niveau législatif, mais de prôner aussi l'usage des licences libres par les créateurs eux-mêmes. C'est un moyen de faire avancer la cause des Communs de la connaissance sans attendre un deus ex machina législatif qui pourrait ne jamais venir. 

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    Tiraillées entre les demandes d’extension de leurs horaires et la question du prêt numérique, les bibliothèques se bougent pour faire évoluer autant leurs murs que la manière de les aménager et de les outiller.
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    Rencontre avec Stéphane Roder, le fondateur du cabinet AI Builders, spécialisé dans le conseil en intelligence artificielle. Également professeur à l’Essec, il est aussi l’auteur de l’ouvrage "Guide pratique de l’intelligence artificielle dans l’entreprise" (Éditions Eyrolles). Pour lui, "l’intelligence artificielle apparaît comme une révolution pour l’industrie au même titre que l’a été l’électricité après la vapeur".
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