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Le 13 janvier dernier, six premiers fonds d’archives de la Croix-Rouge française étaient déposés aux Archives nationales à Pierrefitte-sur-Seine. Un premier dépôt qui en annonce d’autres dans les mois à venir.
« Plus d’un siècle d’actions de tous nos volontaires, bénévoles et salariés seront conservés aux côtés de celles des plus grandes figures de l’histoire de France », se réjouit Jean-Jacques Eledjam, président de la Croix-Rouge française ; « elles entrent au Panthéon de l’histoire ! »
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La valeur historique exceptionnelle des archives de la Croix-Rouge française
Au total, les fonds d’archives de l’association philanthropique représentent près de 1 000 mètres linéaires. « Un fonds qui a, en soi, une valeur historique exceptionnelle et qui fait écho à de très nombreux fonds d’archives que nous conservons », explique Bruno Ricard, directeur des Archives nationales.
Un avis partagé par Éric Carrey, directeur de la division audit, contrôle interne et qualité de la Croix-Rouge française :
« Nos archives retrouvent des fonds miroir déjà présents aux Archives nationales. C’est par exemple le cas de la bataille de Diên Biên Phu (1954) pour laquelle nous disposons de documents sur l’évacuation des blessés. Ce fonds apporte un éclairage médical et sanitaire sur la guerre d’Indochine. Le dépôt de nos archives aux Archives nationales est le passage à l’échelle satisfaisante pour mettre notre patrimoine documentaire à disposition des historiens ».
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Le fichier des 100 000 infirmières bénévoles
Parmi les premiers fonds déposés dans les magasins de Pierrefitte-sur-Seine, il en est un qui retient l’attention : le fichier des 100 000 infirmières bénévoles couvrant la période 1930-1974. Intimement liées à l’histoire de la Croix-Rouge française, ces infirmières ont été recensées grâce à des fiches individuelles sur lesquelles figurent leur formation et leur parcours.
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« Il s’agit du fonds qui suscite le plus de demandes de consultation de la part des chercheurs », explique Virginie Alauzet, responsable du pôle systèmes de gestion des documents et des archives ; « près de 80 % des demandes concernent ce fichier relatif aux infirmières ».
Autre fonds, celui dédié à la Croix-Rouge française de la jeunesse retrace les actions de promotion de la santé et de la solidarité en direction de la jeunesse. On y trouve par exemple les programmes des journées de formation, des guides de formation et les retours des candidats sur les formations et les événements réalisés.
Les historiens qui s’intéressent à l’histoire contemporaine pourront, pour leur part, se tourner vers le fonds du service des réfugiés du Sud-est asiatique. Créé en 1975, il documente les mouvements de population originaires du Vietnam, du Cambodge et du Laos contraintes de fuir les persécutions menées par les régimes communistes.
« Il s’agit d’une source clé pour comprendre la politique d’accueil et d’accompagnement de ces réfugiés en France, notamment dans la prise en charge et le placement des mineurs », souligne la Croix-Rouge française.
Les archives peuvent également remplir une mission méconnue : le rétablissement des liens familiaux. Quiconque est à la recherche d’un membre de sa famille disparue suite à une séparation volontaire et brutale (conflit armé, catastrophe, migration…) peut s’adresser à la Croix-Rouge française pour y trouver des informations sur des personnes dont on a perdu la trace. Ces fonds spécifiques rejoindront les Archives nationales au cours de l’année 2021.
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Conservation pérenne
Il faut remonter à 2019 pour trouver l’origine du dépôt des archives de la Croix-Rouge française aux Archives nationales.
« En raison d’un dégât des eaux et de multiples déménagements, nos archives historiques du siège ont malheureusement connu des dégradations et des pertes au cours de l’histoire. Ce problème est devenu une opportunité lorsque nous avons pris la décision de les déposer aux Archives nationales. Le site de Pierrefitte-sur-Seine offre des conditions de conservation pérenne et permet l’ouverture de ces archives à la consultation publique », souligne Virginie Alauzet.
En 2015, un partenariat avait déjà été signé avec la Bibliothèque nationale de France portant sur la numérisation et la mise en ligne, sur le site Gallica, de la collection des revues publiées par la Croix-Rouge française de 1865 à 2001 (à l’exception de la période 1940-1945).
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Valorisation d’un patrimoine documentaire important
La convention signée avec les Archives nationales donne à ces dernières une mission de conservation et de communication des documents. Elle a été précédée d’un traitement qui s’est étalé sur une année avec, par exemple, l’achat des célèbres boîtes d’archivage Dimab :
« Cela représente un budget pour une association comme la nôtre. Il est essentiel d’avoir le soutien de sa direction générale pour mener à bien un tel projet », explique Virginie Alauzet.
Au-delà de la communication aux historiens, les archives de la Croix-Rouge française serviront également à l’organisation d’expositions.
« Nous avons conscience d’être dépositaires d’un patrimoine documentaire important qui doit être valorisé auprès d’un large public », estime Éric Carrey. Ce devrait être le cas avec une exposition consacrée aux épidémies à l’horizon 2022.
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Des délais de communicabilité calqués sur le CICR
La Croix-Rouge française a fait le choix de calquer les règles d’accès à ses archives sur celles du Comité international de la Croix-Rouge (CICR).
Objectif : ne pas porter préjudice ni à l’intégrité de son action, ni aux individus et communautés concernés. Ainsi, le délai de communication des documents relatifs aux assemblées générales est de 25 ans. Mais il est de 75 ans pour les documents comportant des informations liées à l’état civil et les dossiers individuels (salariés, bénévoles, bénéficiaires).
Les dossiers et documents comportant des données à caractère médical, quant à eux, ne sont communicables que 25 ans à compter de la date de décès, ou 120 ans à compter de la date de naissance si la date de décès n’est pas connue.
L’accès aux archives non communicables à des fins de recherche est soumis à une demande d’autorisation présentée auprès des Archives nationales qui la transmet à la Croix-Rouge française. Un délai de un à trois mois est à prévoir.