La veille est en passe d’acquérir ses lettres de noblesse. Mais peu d’entreprises sont en mesure de s’en charger elles-mêmes. Elles font alors appel à des courtiers en veille. Ils proposent des prestations de plus en plus variées.
Les nombreux salons et rencontres consacrés à l’intelligence économique arrivent au même constat : la veille Intelligence économique.
">i est la clé de voûte de l’acquisition de l’informationi. Technologique, juridique, concurrentielle ou médiatique, la veille est en passe d’acquérir une visibilité incontestable. Mais toutes les entreprises ne disposent ni des ressources humaines suffisantes, ni du temps pour pratiquer une activité de veille, typiquement chronophage. Cela est particulièrement vrai pour les PME. Certaines sociétés se tournent vers les courtiers en veille. Ils accompliront, à leur place, ce labeur de collecte d’informations et d’analyse. Dans un ouvrage publié en 1996, Économie de l’information spécialisée, l’expert Daniel Confland définissait ainsi le courtage en information : « L’activité des intermédiaires qui réalisent pour le compte d’un client certaines prestations d’information spécialisées, telles que la définition des sources, la recherche et la collecte, la validation et l’interprétation ». Cette définition s’applique stricto sensu aux agrégateurs d’informations. Elle peut être élargie aux courtiers en veille qui, en plus de ces fonctions, fournissent une analyse des informations recueillies.
taille critique
Si la veille devient incontournable, les courtiers en veille ne se bousculent pas pour autant pour répondre à la presse. Parmi les cabinets que nous avons contactés – Atlantic Intelligence, Geos, Mediaveille, Histen Riller – peu ont accepté de répondre à nos questions. Pour la majorité d’entre eux, la discrétion est de rigueur. À la demande de leurs clients semble-t-il. Il existerait une centaine de courtiers selon Benoît Maille, responsable des prestations aux entreprises auprès de l’AristPour en savoir plus ">i de Paris (agence régionale d’information stratégique et technologique) : « La quasi totalité d’entre eux évoluent surtout sur le marché français et sont des très petites structures. Seuls les plus importants [Atlantic Intelligence, Geos] disposent d’une taille critique pour affronter le marché international. Depuis 2000, on assiste à une réorganisation du secteur avec des regroupements de courtiers. Leur visibilité reste faible ; peu de clients potentiels sont en mesure de repérer le courtier opportun ». L’Arist de Paris – acteur semi-public, il en existe un par région – dépend des chambres de commerce et d’industrie. Elle intervient auprès de PME opérant surtout dans le secteur de la haute technologie et leur propose différents types de veille. Benoît Maille souligne : « Nos clients attendent désormais une valeur ajoutée et ne se contentent plus d’une information brute. Ce type de prestation strictement documentaire ne suffit plus. Nous raisonnons en termes d’information stratégique, car nos clients requièrent une information immédiatement exploitable. Nous leur proposons une veille technologique, mais aussi des prestations en matière de propriété intellectuelle, de recherche d’antériorité, des états de l’art ». Le coût de ces prestations comprend un diagnostic – 2 000 euros HT – et des journées de travail pour les veilles facturées 650 euros par jour
code de déontologiei des professionnels du Synapi
Regroupant les professionnels des métiers de
l’intelligence économique, le réseau Synapi a édicté
un code de déontologie à l’intention des prestataires
et conseils en information. Ce code dresse une liste
de commandements que ses adhérents s’engagent à
respecter en matière de loyauté, de confidentialité
ou de diffusion, entre autres :
Travailler exclusivement sur des informations dites
« ouvertes », c’est-à-dire légalement accessibles,
Se porter garants des sous-traitants pouvant
intervenir dans la réalisation des prestations,
Ne pas communiquer de données confidentielles et
stratégiques à des tiers,
Assurer au sein de la structure chargée de la
mission une protection suffisante des informations du
client,
Respecter la législation des pays dans lesquels les
courtiers interviennent.
contrat de confidentialité
Les PME ne sont pas les seules entreprises à recourir aux courtiers en veille. Martine Dejean, du Bureau van Dijk, précise que son portefeuille d’entreprises comporte des grands comptes. Elles commandent aussi bien des études ponctuelles que des veilles permanentes. Ces entreprises, l’industrie aéronautique, pharmacologique et chimique entre autres, semblent avoir franchi le Rubicon de l’externalisationou Outsourcing. L'externalisation désigne la délégation d'une fonction secondaire à un prestataire extérieur, fonction qui pourrait potentiellement être réalisée en interne. L'externalisation concerne les tâches liées au fonctionnement de l'organisation, intervenant beaucoup plus indirectement que les activités opérationnelles sur la production finale de l'entreprise. L'externalisation se distingue de la sous-traitance, qui concerne les opérations contractuelles par lesquelles un entrepreneur confie tout ou partie d'un travail destiné à ses propres clients.">i de la veille. La crainte des informations dispersées en dehors de l’organisation n’est plus de mise : « Le marché est mature et les entreprises se posent moins de questions sur l’externalisation de cette activité. Nos relations sont régies par un contrat de confidentialité et nous travaillons directement avec les directions généralse ou les directions de l’information ». Les veilleurs du Bureau van Dijk présentent la particularité de posséder un double profil : la plupart d’entre eux sont des ingénieurs en biotechnologie, des juristes ou des experts de la finance, intervenant dans leurs champs de compétences selon les demandes des clients. Ils bénéficient cependant d’une formation aux méthodes documentaires, assurée par un noyau dur de professionnels de l’information-documentationi.
au Québec, peu de courtiers purs
Outre-Atlantique, au Québec, pour Françoise Mommens « il existe peu de courtiers purs ». Cette analyste spécialisée en veille stratégique dirige le cabinet MDS et propose des prestations diverses : veille – marché, produits, services –, accompagnement pour le déploiement d’une cellule de veille, formation. « Au Québec, le marché de la veille décolle très, très, très lentement. Les PME ne peuvent se payer ce genre de service à temps plein. Alors, elles engagent des courtiers pour des mandats précis de recherche. Les gestionnaires d’entreprise réclament des informations factuelles : liste de distributeurs, partenaires potentiels vendant telle pièce de machine, expertise sur un domaine pointu ». Françoise Mommens estime que le secteur de la veille n’a pas encore trouvé son rythme de croisière : « Je ne connais pas beaucoup de courtiers vivant uniquement de la veille au Québec. La veille, souvent nommée vigie au Québec, ne constitue jamais une activité exclusive ; les courtiers et les entreprises dans le domaine offrent en supplément d’autres activités, gestion documentairei, études de marché, études de positionnement, gestion d’entreprise, tableaux de bord. Il serait erroné de croire que le Québec est plus avancé que la France dans ce secteur ». Les contrats entre les entreprises et le cabinet de Françoise Mommens sont noués soit à l’initiative de cette dernière, qui prospecte les sociétés avec lesquelles il lui « tient à coeur de travailler », soit à la demande des PME qui la découvrent après avoir visité son site ou par le bouche-à-oreille. Selon Benoît Maille, les perspectives du courtage en veille reposent sur un renouvellement des prestations. Des actions collectives au profit d’un groupe d’entreprises tels que les pôles de compétitivité doivent être envisagées, ainsi qu’un service d’aide à la transmission d’entreprise, afin de préserver des savoir-faire menacés par des rachats inamicaux.