Article réservé aux abonnés Archimag.com

Archives en Suisse : un tour d’horizon

  • archives-en-suisse-atelier-numerisation.jpg

    fonctionnement-archives-publiques-privees-suisse
    L'atelier de numérisation d'archives à la bibliothèque des Nations unies à Genève. Ce patrimoine est aujourd'hui accessible sur une bibliothèque numérique dédiée. (Library.un.org)
  • Archimag présente la première partie d’un article de Barbara Roth-Lochner, archiviste et conservatrice honoraire à la Bibliothèque de Genève, consacré aux structures archivistiques suisses.

    mail Découvrez L'Archiviste Augmenté, la newsletter thématique gratuite d'Archimag dédiée aux professionnels des archives et du patrimoine !

    Là où s’exerce une autorité publique, il y a création d’archives. En Suisse, on compte, à quelques exceptions près, trois niveaux de pouvoir : la Confédération, le canton et les communes. Chaque niveau a sa propre administration, soumise à un exécutif et à un organe délibératif.

    Cette disposition constitutionnelle explique pourquoi les archives publiques sont réparties, elles aussi, dans trois catégories d’institutions :

    • Les Archives fédérales, à Berne, réunissent les archives de l’État fédéral, qui existe depuis 1848, mais conservent également la production de l’unique période où la Suisse a connu un pouvoir unitaire, après le renversement de l’ancien régime de la Confédération par la France révolutionnaire : la République helvétique (1798-1803) et l’Acte de médiation (1803-1813). On y trouve aussi les archives de la Diète fédérale, pour la période allant de 1814 à 1848.
    • Le Tribunal fédéral (Lausanne) et le Tribunal fédéral des assurances (Lucerne) conservent leurs propres archives, alors que le Tribunal pénal fédéral (Bellinzona), fondé plus récemment, en 2004, ainsi que les commissions fédérales de recours et d’arbitrage, offrent leurs archives aux Archives fédérales.
    • Certains autres grands établissements fédéraux, comme la Poste, la Banque Nationale, les Chemins de fer fédéraux, gèrent leurs propres archives, tout en étant soumis à la Loi fédérale sur l’archivage de 1998.

    Lire aussi : ArchiLab, un enseignement au plus près des besoins informationnels des organisations

    Bien qu’elles ne conservent que très peu d’archives antérieures au 19e siècle, les Archives fédérales sont la plus grande institution d’archives publiques de Suisse. Elles n’ont pas de droit de regard sur les Archives des cantons, et la Loi fédérale sur l’archivage ne s’applique pas aux cantons.

    Une grande variété parmi les cantons

    Chaque canton ou demi-canton dispose de son propre centre d’archives et de sa propre législation, sous forme d’une loi spécifique ou de dispositions dans les lois plus générales sur l’organisation de l’État. Une grande variété règne parmi les cantons, selon leur taille, leur population, leurs traditions administratives, et bien entendu leur histoire : cette variété se répercute sur les archives cantonales, qui conservent la majeure partie des archives de l’Ancien Régime.

    À noter que de plus en plus de grands organismes cantonaux publics ou parapublics (universités, hautes écoles, hôpitaux, entreprises de transports publics) ont créé ces dernières années leur propre service d’archives, géré par une ou un professionnel, qui collabore avec les Archives cantonales, à l’exemple du centre d’archives de l’Université de Zurich ou de l’Université de Lausanne, ou alors les archives des Transports publics genevois.

    Sous-traitance à des entreprises d’archivage

    Au 1er janvier 2022, la Suisse compte 2 148 communes, avec une très légère tendance à la baisse due aux fusions. Autant de lieux où sont conservées des archives, avec une remarque qui s’impose d’emblée : certaines villes sont dotées de véritables centres d’archives gérés par des professionnels, avec d’importantes séries historiques et toutes les infrastructures nécessaires à l’accueil du public.

    Entre-deux, il existe de multiples scénarios, avec des emplois à temps partiel ainsi que des regroupements ou une sous-traitance à des entreprises d’archivage — il en existe plusieurs dans le pays qui offrent d’excellents services.

    Lire aussi : Comparatif tiers-archivage : choisir un prestataire pour ses archives

    L’Association vaudoise des archivistes (Ava), fondée en 1996 autour d’un noyau d’archivistes communaux et cantonaux, mérite une mention spéciale pour son esprit de partage de compétences, dont l’un des résultats concrets est la plateforme « Vaud archives communales », qu’un groupe de communes genevoises a prise en exemple. Les archives des communes sont généralement placées sous l’autorité des archives cantonales.

    Les archives des anciennes communes bourgeoises, qui possèdent et administrent toujours des biens bourgeoisiaux — forêts, alpages, champs et autres biens immobiliers — peuvent être considérées comme une extension des archives communales. Elles sont gérées de manière autonome ou alors déposées dans des centres d’archives publiques.

    À mi-chemin entre le public et le privé, on pourrait citer les archives ecclésiastiques, car beaucoup d’institutions de ce type exerçaient autrefois des fonctions qui relèvent aujourd’hui des compétences de l’État.

    La dimension internationale

    Quand on parle d’archives des organisations internationales, il faut distinguer celles qui dépendent du système onusien ou qui sont portées par les États, que l’on pourrait qualifier du terme d’archives supranationales, de celles des organisations non gouvernementales, qui, par leur statut, sont des archives privées.

    Dans la première catégorie, on trouve en toute logique plusieurs centres à Genève, siège de la Société des Nations depuis la fin de la Première Guerre mondiale. Les archives des Nations-Unies sont d’une grande richesse, et la partie ancienne, c’est-à-dire les archives de la SDN, fait l’objet d’une intense campagne de numérisation, qui est arrivée à son terme en 2022.

    Lire aussi : Valoriser les publications scientifiques de son institution avec un portail HAL

    Dans l’orbite de l’Onu, il y a les centres d’archives de l’Organisation internationale du travail (OIT/ILO) et de son secrétariat permanent, le Bureau international du travail (BIT), les archives de l’Organisation mondiale de la santé (OMS/WHO), du Haut Commissariat pour les réfugiés (HCR), le Service de la bibliothèque et des archives de l’Union internationale des télécommunications (UIT/ITU) depuis 1865, etc. Depuis l’adhésion de la Confédération à l’Onu en 2002, ces archives concernent également la Suisse.

    D’autres institutions ayant leur siège en Suisse, au service de plusieurs États, se sont aussi dotées de services d’archives, comme le Conseil européen pour la recherche nucléaire (Cern), à Genève, ou la Banque des règlements internationaux (BRI/BIS), à Bâle.

    Archives semi-privées et archives privées

    Pour qui est familier des fondements de l’archivistique, le tour d’horizon qui précède n’a rien de surprenant. C’est en élargissant le panorama aux archives de provenance privée que la diversité des centres d’archives suisses apparaît au grand jour. En effet, comme il n’y a aucune obligation de conserver et de transmettre les archives privées, leur prise en charge doit mettre en œuvre une volonté et un projet particuliers, et la gamme des acteurs — archivistes et autres spécialistes de la conservation patrimoniale, chercheurs, membres d’associations, militants — s’élargit considérablement.

    Pour ce qui est des archives de personnes et de familles, il existe une tradition de collecte dans les Archives et les bibliothèques cantonales. Le but est de conserver les traces de familles intimement liées à l’histoire du canton, car elles ont compté des magistrats, des intellectuels, des militaires, des artistes, des écrivains.

    Lire aussi : Le recours à Dataverse pour la gestion de données de recherche en Belgique

    Par extension, des archives privées ont trouvé le chemin de hautes écoles où elles sont rattachées à des centres de recherche. Nous pensons aux archives architecturales conservées dans les Écoles polytechniques fédérales de Zurich et de Lausanne, ou à des archives et bibliothèques de personnalités particulièrement marquantes de la vie intellectuelle, comme les Archives de Max Frisch ou de Thomas Mann (toutes deux rattachées à l’ETH), celles de Karl Barth à l’Université de Bâle, celles de Jean Piaget et de l’Institut Rousseau à l’Université de Genève.

    Archives littéraires suisses

    Il existe des institutions thématiques dont le champ d’action s’étend à toute la Suisse, sans qu’elles bénéficient pour autant d’une exclusivité. Il en est ainsi des Archives littéraires suisses, fondées en 1991, qui font partie de la Bibliothèque nationale ; à noter que la BNS conserve également depuis 2007 les archives fédérales des monuments historiques, et qu’elle est responsable de la Phonothèque nationale, sise à Lugano, depuis 2016.

    La Cinémathèque suisse, fondée en 1948 à Lausanne, projette des films à Lausanne et concentre son activité de conservation et de consultation dans son Centre de recherche et d’archivage à Penthaz, inauguré en 1992.

    Barbara Roth-Lochner
    [Archiviste, conservatrice honoraire à la Bibliothèque de Genève, correspondante à Genève]

    NDLR : Article précédemment publié dans la revue Arbido.

    Cet article vous intéresse? Retrouvez-le en intégralité dans le magazine Archimag !
    technologies-futur-pros-info
    Quand on sait à quel point les évolutions des technologies de l’information et du numérique sont étroitement liées à leurs usages, à leurs appropriations par les utilisateurs et à leurs dimensions fonctionnelles, ces dix prochaines années s’annoncent palpitantes!
    Acheter ce numéro  ou  Abonnez-vous
    À lire sur Archimag
    Les podcasts d'Archimag
    Pour cet épisode spécial Documation, nous nous sommes penchés sur une autre grande tendance de l'année 2024 : la cybersécurité, et plus particulièrement la sécurité dans le domaine de la gestion des données. La protection des données contre les menaces internes et externes est non seulement cruciale pour garantir la confidentialité, l'intégrité et la disponibilité des données, mais aussi pour maintenir la confiance des clients. Julien Baudry, directeur du développement chez Doxallia, Christophe Bastard, directeur marketing chez Efalia, et Olivier Rajzman, directeur commercial de DocuWare France, nous apportent leurs éclairages sur le sujet.
    Publicité

    Serda Formations Archives 2023

    Indispensable

    Bannière BDD.gif