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E-administration : un déploiement rapide, pour certains difficile à suivre

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    Si les démarches en ligne présentent un progrès, le mouvement doit encore progresser, notamment en matière d'accompagnement. (Freepik)
  • L’e-administration est bel et bien entrée dans la vie quotidienne des usagers. Du moins d’une grande majorité. Car, si les démarches en ligne présentent un progrès, au niveau de l’Etat comme au niveau territorial, leur appropriation ne va pas toujours de soi. Le mouvement se poursuit et doit faire l’objet d’accompagnement.

    FranceConnect, le service en ligne d'identification et d'authentification porté par la direction interministérielle du numérique de l’État (Dinum, service du Premier ministre), rencontre un succès croissant. En février 2019, il affiche huit millions d'utilisateurs ; en novembre 2021, ils sont 30 millions et même 37 millions en avril 2022 ! L’objectif était de 30 millions d’utilisateurs fin 2022…

    Preuve que ce service est bien pratique puisqu’il permet à l’usager effectuant une démarche en ligne de se connecter rapidement en réutilisant les identifiant et mot de passe d'un compte qu’il a choisi. Preuve aussi que le recours à l’e-administration progresse : plus de services dématérialisés entraînant davantage de connexions.

    De fait, les chiffres sont là. Le nombre de démarches ainsi accessibles dépasse le millier. Parmi les plus sollicitées, on trouve l’agence nationale des titres sécurisés (ANTS), les sites de retraite, Mon compte formation ou encore Demande de logement social.

    Territorialement aussi, l’e-administration avance, allant par exemple, au niveau municipal, de la simple prise de rendez-vous à la demande de place en crèche, en passant par l’accès à la déchetterie.

    Un engagement régulièrement actualisé

    L’engagement de l’Etat dans ce mouvement est régulièrement actualisé. Action publique 2022 est la dernière étape d’envergure. Ce programme de réforme de l’État est lancé par le gouvernement en octobre 2017, avec pour priorité la transformation numérique des administrations. Il est piloté par la Dinum et par la direction interministérielle de la transformation publique (DITP), rattachée au ministère de la transformation et de la fonction publiques. L’un de ses objectifs : la dématérialisation de 250 démarches les plus courantes d'ici mai 2022. Objectif atteint.

    Ce programme s’inscrit dans une lignée d’engagements démarrée en 1998.

    • On se souvient du programme d’action gouvernemental pour la société de l’information (Pagsi). Il est suivi du plan administration électronique (Adele) pour la période 2004-2007 (budget de 1,8 milliard d’euros, 140 mesures, mise en oeuvre par l’Adae, Agence pour le développement de l’administration électronique, auprès du Premier ministre).
    • En 2008, le plan France numérique 2012 prend le relais, avec une composante d’ouverture des données publiques (open data).
    • Le secrétariat général à la modernisation de l’action publique (SGMAP) naît en 2012, avec pour mission la mise en œuvre de la politique de modernisation de l’État, notamment numérique.
    • La stratégie technologique de l’État évolue avec le concept d’État plateforme, soit un système d’information unifié de l’État (socle matériel et logiciel commun).
    • 2016 est l’année du déploiement de France Connect. C’est aussi celle de la publication de la loi pour une République numérique, dite loi Lemaire (ouverture des données publiques par défaut, création d’un service public de la donnée).
    • 2017 : avec le Plan préfectures nouvelle génération (PPNG), les procédures de délivrance des titres sont dématérialisées (demande de permis de conduire ou de carte grise, prédemande de passeport ou carte d’identité).

    Gouvernance des données

    Aujourd’hui, une attention particulière est portée sur les données, notamment au niveau européen, ceci en deux volets. D’une part, le règlement sur la gouvernance des données (Data Governance Act) adopté en mai 2022 et applicable en septembre 2023. Il apporte un cadre pour faciliter la réutilisation de certaines catégories de données protégées du secteur public (informations commerciales confidentielles, propriété intellectuelle, données personnelles) et rend obligatoire une certification pour les fournisseurs de services d’intermédiation de données. D’autre part, le règlement sur les données (Data Act). Présentée le 23 février 2022, cette proposition législative de la Commission européenne veut assurer une meilleure répartition de la valeur issue de l’utilisation des données personnelles et non personnelles entre les acteurs de l’économie de la donnée, notamment liées à l’utilisation des objets connectés et au développement de l’internet des objets.

    Un développement observé de près

    Ce développement de l’e-administration est observé de près. D’abord par l’administration elle-même : créé en juin 2019 et dépendant de la Dinum, un observatoire de la qualité des démarches en ligne (1) a établi des indicateurs pour suivre l’avancée de la dématérialisation. Ce sont par exemple : démarche réalisable complètement en ligne, satisfaction de l’usager (via un bouton « Je donne mon avis »), conformité à l’accessibilité, aide joignable (possibilité d’échanger avec un humain), etc. Ainsi, la satisfaction affichée des usagers pour les 250 démarches publiques les plus utilisées s’élève à plus de 7 sur 10 pour 65 % des démarches.

    De son côté, le Défenseur des droits fait remonter un certain nombre de critiques (2). Son rapport annuel d’activité publié en 2022 fait état de 90 835 réclamations en 2021 touchant les relations avec les services publics, contre 76 529 en 2020, soit une hausse de 18,7 %. 
    Si 85 % des foyers sont équipés d’internet à domicile, la dématérialisation pénalise un grand nombre de personnes :

    • 23 % des plus de 65 ans déclarent avoir rencontré des difficultés pour remplir leurs démarches administratives ;
    • 40 % des personnes non diplômées, 22 % des personnes pauvres et 24 % des ménages bénéficiaires des minima sociaux n’ont pas d’accès à l’internet fixe à domicile ;
    • les détenus ou les sans-abris sont quasiment exclus de l’accès à l'internet.

    Récriminations

    Cet état de fait touche les collectivités territoriales. Pour elle, la dématérialisation jugée très rapide se traduit par un report de charges sur leurs épaules, ainsi que sur celles des travailleurs sociaux et d’autres acteurs locaux.

    Pour le think tank Le Sens du service ­public (3), la dématérialisation pourrait générer un non-recours aux droits du fait de la ­complexité des démarches, générant des inégalités d’accès aux services ­publics. « Il convient d’affirmer que des fonctionnements de proximité devront toujours être assurés par une présence humaine en appui de la ­e-administration pour maintenir les liens sociaux avec les usagers », affirme le think tank.

    Pour sa part, la Caisse des Dépôts juge que, « dans les collectivités, la transition numérique repose aussi sur la maîtrise de compétences numériques ». Les compétences numériques des agents territoriaux ont été mesurées : 25 % n’ont pas une pratique autonome du numérique basique (usage de courriels, d’outils collaboratifs, de fonctionnalités de gestion des fichiers). Ceci alors même que leurs métiers évoluent vers davantage de médiation, avec un recours croissant aux outils numériques et à la manipulation de données.

    Dans un manifeste rendu public le 22 février 2022 et intitulé « Pour un service public plus humain et ouvert à ses administrés », trois cents signataires (associations, collectifs, syndicats, collectivités territoriales), reconnaissant les avantages de la dématérialisation, avertissent qu’« elle peut aussi être une source majeure d'entrave à l'accès aux droits » pour certaines populations. « Le développement du numérique se substitue à l'accueil physique alors qu'il nécessite lui-même un accompagnement humain », peut-on lire dans le manifeste. En outre : « Derrière la modernisation du service public se dissimulent aussi des suppressions de postes ou encore le développement de la privatisation et de la sous-traitance des services »…

    Soutien et accompagnement

    Parmi les mesures de soutien aux usagers, sont déployées les Maisons France Services, affichées comme « le retour du service public au cœur des territoires ». En septembre 2022, ce réseau de structures labellisées compte 2 379 guichets uniques de proximité regroupant sur leurs sites plusieurs administrations (santé, famille, retraite, droit, logement, impôt, recherche d’emploi, accompagnement au numérique).

    Des mesures d’accompagnement des agents sont prévues. La DITP propose de nombreux outils, dont Démarches-simplifiées.fr, générateur de formulaires et plateforme d'instruction de dossiers, permettant de dématérialiser des démarches.

    Par ailleurs, un "sac à dos numérique de l'agent public" (Snap) a pour but de « fournir un environnement de travail numérique plus performant, plus collaboratif et plus mobile pour les agents de l’État ». Il est ouvert sur sélection de projets.

    Des moyens financiers

    Bien sûr, des moyens financiers accompagnent la transformation des administrations. Citons un fonds pour la transformation de l’action publique, au titre du Grand plan d’investissement 2018-2022, doté de 700 millions d’euros, ou, dans le cadre du plan de relance, l’enveloppe d'un milliard d'euros consacrée à la transformation numérique de l’État (comprenant un fonds d'innovation et de transformation numérique ou FITN doté de 292 millions d’euros).

    Une efficacité à relativiser

    Le principal gain généré par cette transformation s’apprécie en termes d’efficacité, tant pour les usagers, désormais face à des démarches simplifiées et servis en « 24/7 », que pour les agents. Automatisation de procédures et partage de données entre administrations contribuent à les orienter vers des tâches à plus forte valeur ajoutée. Le travail en mobilité, sujet majeur depuis la pandémie de Covid-19, leur est facilité.

    S’en dégage une image de modernité. Une situation qui peut être comparée avec celle des autres pays européens. Avec l’indice relatif à l’économie et à la société numériques (DESI), la Commission européenne suit les progrès réalisés par les États membres. Ainsi, selon l’indice 2022, la France se situe au-dessus de la moyenne européenne, mais seulement à la douzième place sur vingt-sept.

    (1) —> observatoire.numerique.gouv.fr
    (2) —> www.defenseurdesdroits.fr
    (3) —> www.sens-du-service-public.fr
    (4) —> digital-strategy.ec.europa.eu/fr/policies/desi

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    Pour cet épisode spécial Documation, nous nous sommes penchés sur une autre grande tendance de l'année 2024 : la cybersécurité, et plus particulièrement la sécurité dans le domaine de la gestion des données. La protection des données contre les menaces internes et externes est non seulement cruciale pour garantir la confidentialité, l'intégrité et la disponibilité des données, mais aussi pour maintenir la confiance des clients. Julien Baudry, directeur du développement chez Doxallia, Christophe Bastard, directeur marketing chez Efalia, et Olivier Rajzman, directeur commercial de DocuWare France, nous apportent leurs éclairages sur le sujet.

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