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Secteur public : comment l'administration pilote sa digitalisation

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    Où en est la digitalisation du secteur public ? (User9227810/Freepik)
  • Le secteur public français accélère sa digitalisation et déploie des projets ambitieux : innovation numérique, plateformes de services en ligne, partage de données entre administrations, et, bien sûr, l’exploitation de l’intelligence artificielle (IA). Son objectif ? Améliorer son efficacité en simplifiant à la fois les démarches des usagers et les missions des agents. Mais des défis majeurs, centrés sur l’humain, persistent, comme les risques d’exclusion numérique, l’accompagnement au changement et la formation des agents ou encore des problématiques éthiques sur l’usage de l’IA pour éviter les biais et garantir la transparence. Comment l’État pilote-t-il cette stratégie ? L’usager et l’agent sont-ils bien au cœur de cette mutation technologique ?

    1ere_page_archimag_384_strategie_digitale_du_service_public.jpgenlightenedCET ARTICLE A INITIALEMENT ÉTÉ PUBLIÉ DANS ARCHIMAG N°384

    Au sommaire :

    - Dossier : Secteur public: comment l’administration pilote sa digitalisation
    - Sous le capot des IA du secteur public
    - La formation au cœur de la transformation digitale du secteur public
    - Avec l’IA, France Travail réinvente l’accompagnement vers l’emploi
    À Chartres, l'IA parle aux habitants

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    Lors de son arrivée à l’Élysée en 2017, Emmanuel Macron avait pris un engagement : mettre en ligne toutes les démarches administratives du quotidien, soit 250 actions concrètes. Trois ans et demi plus tard, en 2020, 182 démarches pouvaient être réalisées en ligne : le paiement des impôts, la demande d’aide pour le logement, le renouvellement d’un certificat d’immatriculation…

    En 2025, où en est-on ? La France se dirige bel et bien vers l’objectif annoncé par le président de la République et on connaît les cinq démarches en ligne les plus consultées : le changement d’adresse, la demande d’acte de naissance, la demande d’inscription sur les listes électorales, le signalement d’une fraude à la carte bancaire et la demande de certificat de situation administrative d’un véhicule d’occasion.

    bibliotheque_ia_territoriales_0.png"Les démarches administratives en ligne sont devenues une pratique courante pour une large majorité de la population française", peut-on lire en préambule du Baromètre 2025 du numérique. Une très large majorité de Français (73 %) ont effectué une démarche administrative en ligne au cours des douze derniers mois de l’année 2024. Bonne nouvelle : ces démarches sont en hausse chez les plus âgés (+7 points parmi les plus de 70 ans).

    Pour autant, tout ne va pas mieux dans le meilleur des mondes dématérialisés. Près d’un Français sur deux (44 %) rencontre des difficultés dans la réalisation de démarches administratives en ligne. Étonnamment, "les jeunes adultes (18-24 ans) sont, de loin, les plus nombreux à éprouver des difficultés concernant la réalisation de démarches administratives en ligne", souligne le baromètre.

    Lire aussi : L’État peut-il imposer aux usagers d’accomplir des démarches administratives en ligne ?

    Des chantiers numériques jugés prioritaires

    Si l’e-administration est devenue une réalité quasi quotidienne pour une majorité de Français, l’État, de son côté, poursuit sa course à la digitalisation. Selon une étude menée par le cabinet Exaegis Markess auprès de 76 décideurs publics, plusieurs chantiers numériques sont jugés prioritaires : la numérisation des processus internes, la cybersécurité, l’automatisation grâce à l’intelligence artificielle (IA)… La valorisation des données et le numérique responsable figurent également dans le top 5 des priorités de l’État numérique.

    La numérisation a, par exemple, été mise en place par une importante mairie française qui a fait appel à la solution Watchdoc, de Doxense, pour optimiser son parc d’impression et de numérisation. Résultat : le volume total d’impressions a baissé de 19 %, avec une très forte réduction des impressions en couleur (52 %). Le gain environnemental, quant à lui, se traduit par 2 000 arbres sauvés.

    Si la digitalisation de l’administration est une réalité, elle requiert des infrastructures à la hauteur des ambitions. Selon la stratégie gouvernementale pour l’IA, 35 sites sont d’ores et déjà prêts à accueillir des centres de données. Le tout en misant sur une production d’électricité "décarbonée, abondante et stable". Par ailleurs, la France continue de renforcer son autonomie stratégique avec trois supercalculateurs publics opérés par le CNRS, le CINES et le CEA.

    Lire aussi : ll existe désormais un référentiel pour l'écoconception des services numériques

    Les collectivités n’ont pas à rougir

    384_2_1_dossier_strategie_digitalisation_secteur_public_dessin_vince.jpgDu côté des collectivités territoriales, la conversion au numérique semble désormais une chose acquise. Elles sont même passées à l’échelon supérieur en investissant, plus rapidement qu’on ne le croit, le terrain de l’intelligence artificielle : "les collectivités n’ont pas à rougir, quelle que soit la taille considérée, nombre d’entre elles ont su se saisir de cet outil", constate la Délégation aux collectivités territoriales du Sénat. "Le premier domaine dans lequel les collectivités territoriales peuvent pleinement tirer profit des opportunités offertes par l’IA est celui de leur organisation interne". À la clé, l’automatisation des tâches répétitives, fastidieuses et chronophages pour les agents qui les exécutent.

    Les collectivités peuvent également recourir à l’IA comme outil d’analyse dans la conduite de leurs politiques publiques. La ville de Nîmes (Gard), par exemple, a lancé un projet de prévision des risques naturels, en particulier des inondations. À Nantes (Loire-Atlantique), c’est la gestion des déchets liés au gaspillage alimentaire dans les cuisines qui fait l’objet d’un programme dopé à l’IA.

    Quant à la ville de Plaisir (Yvelines), c’est le développement d’un agent conversationnel à l’intention des usagers qui repose sur l’intelligence artificielle. Une initiative similaire a été lancée à Chartres (Eure-et-Loir) (voir page 20). Selon l’Observatoire Data Publica, 36 % des collectivités déclarent avoir déjà testé ou commencé à utiliser l’intelligence artificielle.

    Une bibliothèque d’IA territoriales

    Les collectivités peuvent s’appuyer sur le travail réalisé par le réseau des Interconnectés, qui a pour mission d’accompagner leur transformation numérique à travers des solutions concrètes fondées sur le partage d’expériences. Créée en 2009, l’association Les Interconnectés est à l’origine d’une "Bibliothèque d’IA territoriales", qui se présente sous la forme d’une plateforme alimentée par les collectivités elles-mêmes qui échangent quelques informations clés : situation de la collectivité, nature des projets IA, points positifs, points négatifs… "

    Cette ressource, pensée et construite sur les bases d’un commun numérique, permet de valoriser les usages de l’IA dans les territoires", explique l’association. Une élégante carte interactive des initiatives en cours est mise à disposition des internautes sur le site des Interconnectés.

    Ces initiatives se multiplient et elles en annoncent d’autres. Le 6 février dernier, le Premier ministre François Bayrou a présenté le troisième volet de la stratégie de l’État pour l’intelligence artificielle : "un plan de déploiement d’outils d’IA générative va permettre à chaque agent de bénéficier d’assistants IA capables de leur faire gagner du temps et de l’efficacité dans leurs tâches administratives quotidiennes". Trois premiers ministères auront la primeur de ces outils ; en particulier la Justice, où l’IA sera mobilisée pour des usages d’interprétariat, de traduction, de retranscription, de résumé de documents et d’appui à la recherche d’informations.

    De toute évidence, le traitement documentaire se prête à toutes les expérimentations. Au ministère des Affaires étrangères, l’automatisation des tâches de transcription multilingue et de traduction va prochainement être déployée en interministériel.


    "l’IA ne nécessite pas obligatoirement d’infrastructures massives"

    abraxio_adrien_coussa_co-fondateur_et_dg.jpgEntretien avec Adrien Coussa, directeur général d’Abraxio, qui propose une plateforme de management de la DSI pour tous secteurs d’activités, notamment les collectivités et organisations publiques.
    Quels sont les enjeux pour les DSI au sein du secteur public ?

    Le secteur public n’est pas un ensemble de structures homogènes en matière de moyens, mais certaines problématiques sont communes à toutes les DSI. Le premier enjeu est celui du repositionnement de la fonction DSI : au-delà du rôle technique, elles doivent s’imposer comme pilotes de la transformation numérique.

    La modernisation des systèmes d’information est impérative pour répondre aux attentes des usagers et aux obligations réglementaires. Dématérialisation, simplification des parcours et optimisation des services publics sont au cœur des priorités pour une administration plus efficace et performante, malgré l’accroissement des contraintes budgétaires et réglementaires.

    De quel accompagnement les collectivités ont-elles besoin ?

    Trois axes sont essentiels : avant tout, un appui au pilotage stratégique, pour aider à structurer les feuilles de route, prioriser les investissements et moderniser les infrastructures.

    Ensuite, l’accompagnement à la conduite du changement : cadrage des besoins, acculturation aux méthodes et nouveaux usages, formation des agents et élus, structuration des moyens de pilotage dans des cycles décisionnels complexes. Enfin, l’optimisation des ressources et budgets (mutualisation d’outils, rationalisation de la relation fournisseurs, etc.) pour plus d’efficacité et de maîtrise des coûts. En filigrane, l’objectif est d’insuffler plus d’agilité sans renier les spécificités du secteur public.

    Les systèmes d’information du secteur public sont-ils à niveau pour affronter le défi de l’IA ?

    Pas encore sur le plan technologique, mais l’enjeu est ailleurs. Contrairement aux idées reçues, l’IA ne nécessite pas obligatoirement d’infrastructures massives et des solutions souveraines existent déjà. Les défis sont surtout éthiques, réglementaires (hébergement des données et modèles), fonctionnels (cas d’usage concrets pour améliorer les services, les conditions de travail, l’efficacité) et stratégiques dans le rapport au temps.

    Avant de se lancer, le secteur public doit moderniser ses SI, assurer leur interopérabilité et structurer la gouvernance des données. Le rôle des DSI est donc d’évangéliser, de préparer le terrain pour intégrer l’IA de manière pertinente, à coûts maîtrisés et durables.

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    La photographie possède un pouvoir fascinant : celui de capturer un instant et de le figer pour l’éternité. Elle raconte des histoires, qu’elles soient personnelles ou collectives, qui traversent le temps et façonnent notre passé, notre présent et notre futur. C’est pourquoi les albums de famille jouent un rôle si important dans la construction de nos souvenirs. Mais avec l’avènement de l’intelligence artificielle générative, capable de créer des images de plus en plus proches de la réalité, une question se pose : comment cette technologie va-t-elle influencer notre mythologie familiale ? Serge Tisseron, psychiatre et docteur en psychologie, explore depuis longtemps nos relations avec les technologies. En cherchant à recréer une photographie de son enfance, il s’est intéressé aux liens entre mémoire, photographie et intelligence artificielle. Il revient sur l’origine de son livre "Le jour où j’ai tué mon frère - Quand l’IA fabrique la photographie de nos souvenirs", publié aux Éditions Lamaindonne.
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