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France Télévisions : impulser la culture collaborative en plein confinement
À la veille de la crise sanitaire, France Télévisions n’avait aucune culture de télétravail. Anne Daroux, directrice de la communication interne, se souvient qu’il y avait un accord octroyant un jour de télétravail par semaine, mais il était mal compris et provoquait la réticence des managers.
Avec le confinement, toutes les éditions des journaux télévisés sont mutualisées et le télétravail se généralise. C’est aussi le lot de la communication qui hérite « d’un boulot monstre », décrit Anne Daroux lors de la Rencontre digital workplace, collaboratif, intranet (RIRSE) des 30 novembre et 1er décembre 2021 : il faut mettre en place un plan de continuité d’activité, équiper les 9 000 collaborateurs, outiller les managers…
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Un espace dédié au Covid
La directrice décide d’un bulletin quotidien qui s’adresse aux collaborateurs. Sur l’intranet est ouvert un espace dédié au Covid. « Chance inouïe », se félicite Anne Daroux, un réseau social d’entreprise (RSE), portant le nom Le Fil, avait été lancé peu avant. Il devient un outil de collaboration, avec une dimension ludique. Y circulent des cours de yoga, de méditation, des recettes de cuisine, etc.
« Nous avons été présents », estime Anne Daroux. Les collaborateurs qui n’avaient pas de culture collaborative se sont approprié l’outil. Sur Le Fil, ils ont créé des « sphères » pour se retrouver par métier ou affinité. Les taux de fréquentation ont été multipliés par trois. « Nous étions un peu harceleurs » ; des communications ont été doublonnées sur l’ensemble des supports et de nombreuses vidéos sont montées.
Audit sur la communication interne
À l’issue du premier confinement, la direction déclenche un audit sur la communication interne. Il révèle que 88 % des 9 000 collaborateurs ont considéré qu’elle avait été dans cette période leur premier contact avec l’entreprise et leur premier canal d’information.
À l’aune de la crise, le projet d’intranet, qui était en cours, est réétudié. On estime désormais qu’à moyen ou long terme, il ne répondra pas aux besoins. Tout n’est pas pour autant jeté.
Dans une première phase, on promeut les outils, on personnalise, on rend accessible, on pousse les vues métier. Ce qui permet de tester avant la finalisation pour janvier-février 2022. Alors cet intranet deviendra une véritable digital workplace (DW), avec des applications et des espaces métier. L’approche se veut « user centric », on vise la simplicité.
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"On a tout viré"
La précédente version de l’intranet, un site vieux de dix ans, donnait beaucoup de liens vers les directions (RH, outils, etc.), mais n’intéressait que celles-ci. Elle souffrait d’infobésité, avec de nombreuses informations obsolètes. Les collaborateurs n’y allaient plus.
« On a tout viré », lance Anne Daroux ; « on est parti d’une page blanche ». Le résultat ne donne pas de visibilité immédiate aux directions – elles s’en plaignent –, mais valorise leur travail par le biais d’informations, d’onglets ouvrant des services, avec une visée pratico-pratique.
De plus, une recherche avancée est mise en place, qui a supposé de tagger les contenus (« un travail énorme »).
La satisfaction est au rendez-vous : « on a des statistiques qui nous font pleurer de joie ! ».
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Airbus : un projet collaboratif qui a failli ne pas décoller
Voilà un projet qui a failli ne pas décoller ! Anna Le Guen est chef de projet pour l’intranet social d’Airbus. Le constructeur aéronautique européen, qui travaille pour un avion « zéro émission » pour 2035, compte 180 sites dans le monde, 130 000 employés et 12 000 fournisseurs.
En 2016, un intranet est créé, baptisé Hub. Deux ans plus tard, on décide de le migrer dans le cloud, en SaaS, avec les technologies Google Workspace et LumApps et la mise en place d’un produit minimum viable (en anglais minimum viable product, MVP).
Des premiers utilisateurs (early adopters) l’expérimentent dès 2019… Puis la crise du Covid survient. Plus personne ou presque pour prendre l’avion. Les compagnies aériennes cessent d’acheter de nouveaux appareils. Airbus est contraint de couper dans les dépenses. Le Hub risque de ne pas quitter le Tarmac.
Accompagner les collaborateurs
Mais c’est la surprise : tout le monde se met à se connecter ! Il convient donc d’accélérer. Un nouveau MVP est lancé. Du contenu est produit, exclusivement sur la crise et la question de la continuité d’activité. Quelques mois plus tard, la mise en service (go live) ne tarde pas. Le travail de LumApps permet d’avoir une DW davantage intégrée en bénéficiant du moteur de recherche de Google.
Dès lors, il faut accompagner les collaborateurs et les acculturer, en particulier en identifiant les outils Google correspondant à leurs besoins. Par le passé, tout le monde pouvait contribuer, les employés ne s’en étaient pas privés : 12 000 communautés étaient nées. « C’est à la fois bien et n’importe quoi », reconnaît Anna Le Guen. Beaucoup d’entre elles ne sont pas entretenues et deviennent obsolètes.
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Démarche de knowledge management
Avec la nouvelle solution en SaaS, seul un site peut publier des actualités et une communauté est forcément rattachée à un site. On choisit de s’inscrire dans une démarche de knowledge management. Et donc de renoncer à une organisation par division ou département, ce qui aboutirait à des « silos fonctionnels ». Ainsi, les contenus créés sont indépendants d’une quelconque unité de rattachement.
De plus, on définit ce qu’est ou non un site. Ceci à travers une cinquantaine d’ateliers de réflexion, construction, rationalisation des communautés, définition de la gouvernance. Ces ateliers sont assez transversaux, avec des acteurs opérationnels connaissant leur communauté et des acteurs un peu plus stratégiques.
Méthode agile en pleine crise sanitaire
Le travail de construction, après la livraison du Hub de crise, s’effectue en méthode agile dans un contexte de confinement, de télétravail et de chômage partiel, tout le monde n’étant pas calé sur les mêmes jours chômés ! Il n’empêche… En dix semaines, 50 sites – perfectibles – sont livrés. Et un millier de demandes de création de communautés sont reçues. Fin 2021, près de 300 communautés sont vivantes dans l’intranet avec une progression des visites et des likes.
Enfin, une communauté de pratique est créée. Elle doit réfléchir aux pratiques de communication digitale et d’engagement. Avec l’objectif de permettre aux métiers d’être pilotes.
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Quelques conseils pour construire un outil ou une démarche collaborative
Charlotte Allegret est la fondatrice d’EcoSo, un laboratoire de recherche-action sur les pratiques collaboratives inclusives créé en 2020.
Quelle place jouent le management et la communication interne dans l’intégration d’un outil collaboratif ?
Les managers ont un rôle opérationnel et central car ils sont en première ligne pour appliquer les politiques de leur hiérarchie et avec leurs collaborateurs. Ils doivent donc être à l’aise avec les outils et vont souvent devoir prendre la posture de manager facilitateur. C’est généralement eux qui vont porter le projet.
La communication interne va plutôt se situer au niveau de la sensibilisation et de l’acculturation aux outils collaboratifs, ce qui facilite le déploiement et l’utilisation de l’outil.
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Quelles sont les bonnes pratiques ?
Il faut d’abord accepter de perdre du temps pour en gagner. On ne construit pas d’outil ou de démarche collaborative sans prendre du temps pour les préparer. Sinon, ça va faire « pschitt ! » Ensuite, il faut accepter sa propre vulnérabilité et celle des autres : les outils doivent être adaptés à la réalité. Par exemple, l’être humain a un temps de concentration limité, il a besoin d’un cadre, de reconnaissance et pas d’être tout le temps stimulé.
Enfin, le facilitateur doit régulièrement analyser sa pratique et sa posture.
Pour animer un tel projet, il faut pouvoir ne pas y mettre d’enjeu personnel. C’est fondamental.
Peut-on rattraper un échec ? Est-il possible de faire (re)naître un projet d’outil collaboratif qui dort dans un carton ?
Oui, j’en suis convaincue ! Mais à la condition de se poser les bonnes questions sur les raisons de l’échec, quitte à transformer, hacker ou hybrider l’outil. Dans ce cas, je conseille de se faire accompagner.