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IES 2022 : plaidoyer pour une intelligence économique offensive

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    Séance plénière du Forum IES 2022. (BTE / Archimag)
  • Le Forum IES 2022 s’est tenu au mois de novembre dernier. L’occasion de dévoiler les contours d’une proposition de loi portant sur la création d’un programme national d’intelligence économique. L’événement a également permis de faire le point sur la veille offensive, l’Osint et l’intelligence artificielle. Une bonne occasion pour en finir avec la théorie du « doux commerce » héritée de Montesquieu…

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    Cela ressemble à un cri du cœur. « Il faut saluer le travail de Marie-Noëlle Lienemann en faveur de l’intelligence économique ! » Pour Philippe Clerc, président de l’Académie de l’Intelligence Économique, la proposition de loi portée par la sénatrice de Paris est à marquer d’une pierre blanche.

    Ce texte a pour ambition de placer l’IE à l’échelon le plus haut de l’administration française avec la création d’un Secrétariat général à l’intelligence économique (SGIE) sous l’autorité du Premier ministre. Un positionnement qui assurerait la pérennité d’une telle structure contrairement au dispositif actuel, le Service de l’information stratégique et de la sécurité économiques (SISSE) qui place l’IE dans l’orbite de Bercy.

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    Selon Arnaud de Morgny, qui représentait Marie-Noëlle Lienemann lors du Forum IES 2022 fin novembre, c’est toute la stratégie française d’intelligence économique qui doit être revue de fond en comble : « après le rapport Martre en 1994 et le rapport Carayon en 2003, il apparaît que la structure de l’État en matière d’IE est faible, sous-dimensionnée, et soumise à des intérêts contradictoires. La théorie du “doux commerce” héritée de Montesquieu qui est supposée pacifier les relations internationales a fait des ravages, car elle est biaisée et fausse. Malheureusement, de nombreux responsables économiques et politiques croient encore au doux commerce… »

    Proposition de loi transpartisane

     

    Ce diagnostic est sans concession, mais il ne doit rien au hasard. « J’ai toujours été heurtée par l’acceptation de la désindustrialisation de la France », expliquait récemment Marie-Noëlle Lienemann à Sciences Po ; « lorsque j’étais députée européenne, j’ai été consternée par la manière dont la France était désarmée quand elle rentrait dans les négociations européennes. On arrivait en ordre dispersé et souvent après la bataille. Les Allemands, eux, se mettent en stratégie de guerre économique. »

    Devant ce constat, la proposition de loi préconise la création d’un poste de chargé d’intelligence économique auprès de chaque ministre. Leur mission : assurer la prise en compte des enjeux de l’intelligence économique dans l’action de chacun des ministères.

    « Il faut aguerrir les agents publics et tous les acteurs de l’économie aux enjeux de l’intelligence économique. Cela vaut pour les grands groupes comme pour les artisans », ajoute Arnaud de Morgny. « De même, les syndicats qui ont à plusieurs reprises alerté le gouvernement sur les risques de rachats hostiles d’entreprises publiques ont toute leur place dans une démarche d’intelligence économique. Quant aux chefs d’entreprises, eux aussi doivent bénéficier de sensibilisation et de formation, car les entreprises françaises sont des cibles ».

    Cette proposition de loi, qui se veut « transpartisane et d’intérêt national », est portée par une sénatrice rattachée au groupe communiste, républicain, citoyen et écologiste du Sénat. Ce texte pourrait, sans aucun problème, rallier les suffrages de sénateurs appartenant à d’autres groupes politiques. Mais il devrait faire l’objet de modifications tout au long de son parcours parlementaire. Avec tous les risques de désossage que cela comporte…

    La plateforme de veille du Premier ministre

    Pour autant, l’État ne se repose pas sur ses lauriers en matière de veille. Mathieu Andro, animateur du réseau de veille documentaire au sein de la Direction des services administratifs et financiers du Premier ministre, a profité du Forum IES pour dévoiler les contours du dispositif mis en place : « nous avons déployé une veille collaborative qui regroupe environ 30 veilleurs issus de 15 services du Premier ministre (Service d’information du Gouvernement, Institut national du service public (ex-Ena), etc. Nous nous réunissons une fois par mois pour un échange sur les questions d’intelligence économique. Côté outils, nous utilisons l’agrégateur de flux RSS Inoreader pour automatiser la veille, ainsi que KB Crawl pour une veille plus approfondie. »

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    Plutôt que d’utiliser la newsletter considérée comme un silo informationnel que personne ne lit, il a été décidé de diffuser la veille sur un site conçu avec l’éditeur Sindup. Cette “plateforme de diffusion collaborative et automatisée de veille au sein des Services du Premier ministre” est contrôlée par adresse IP et, pour certaines pages, par login et mot de passe. “Seules les adresses IP des institutions qui participent au réseau ont accès à la plateforme de veille », peut-on lire sur la page d’accueil.

    Mais le nommage des rubriques permet de découvrir quelques-uns des sujets de veille suivis par les services du Premier ministre : institutions, dématérialisation, sécurité et défense, questions territoriales…

    En appui, la plateforme CorText fournit une analyse des corpus textuels collectés. Par exemple, un graphique indique les principaux concepts issus de 33 377 contributions citoyennes du Grand Débat lancé en 2019 après les manifestations de Gilets jaunes au sujet de la démocratie participative.

    Mieux exploiter les brevets

    Du côté du secteur privé, la veille revêt un caractère obligatoire lorsque l’entreprise s’appelle Michelin et qu’elle est le leader mondial de la fabrication de pneumatiques. À la suite d’une vaste réorganisation, l’entreprise française s’est redéployée sur la base de « business units » plus petites et plus nombreuses.

    « Chaque chercheur Michelin doit connaître l’état de l’art de son environnement et de son marché », explique Nicolas Dubuc, responsable de la gestion des connaissances. « Chacun d’entre eux doit être capable de lire un brevet et de réaliser une requête ».

    À leur disposition, la base de brevets Orbit compte 813 comptes actifs et 56 laboratoires/départements (matériaux, recherche avancée…). Les contributeurs sont invités à déposer des demandes de brevets qu’ils auront commentés, notés et catégorisés. Cette chaîne de production doit cependant faire l’objet d’un ajustement « post covid ». Cela passera notamment par l’intelligence artificielle, qui permettra de mieux exploiter l’expertise des brevets.

    La vitalité de l’Osint français

    Difficile pour le Forum IES de passer à côté du thème de l’Osint (open source intelligence ou renseignement de sources ouvertes).

    « Utilisé par les journalistes, par les collectifs de citoyens ou par les responsables de la sécurité informatique, l’Osint doit également l’être par les veilleurs », estime Christophe Deschamps (OF Conseil). Une analyse partagée par Steven Deffous (AEGE) qui souligne la vitalité du paysage français de l’Osint : association Open Facto, Projet Fox, osint.fr… À ses yeux, la technologie ne fait pourtant pas tout : « il faut privilégier la méthode sur les outils… »

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    Sans surprise, l’intelligence artificielle s’est également invitée au Forum IES 2022. L’IA est-elle une menace ou une opportunité pour la veille ? Une question à laquelle des réponses concrètes ont été apportées.

    Oui, l’intelligence artificielle peut apporter de nombreux bénéfices aux veilleurs : pour analyser la masse d’informations d’une organisation, pour confirmer (ou pas) la cohérence entre le travail de veille et les besoins de l’entreprise, pour créer des ontologies, pour traduire automatiquement des documents, pour réduire les biais cognitifs…

    Ces apports peuvent, par exemple, prendre la forme d’un « robot compagnon » capable d’enrichir par lui-même des ontologies ou de corriger automatiquement un corpus de sources.

    Mais comme toute technologie, l’IA peut également engendrer des effets négatifs : perte d’agilité intellectuelle, perte de maîtrise sur l’information traitée… L’automatisation de certaines tâches peut également disqualifier certains veilleurs. À eux de veiller à leur avenir.

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    Rencontre avec Stéphane Roder, le fondateur du cabinet AI Builders, spécialisé dans le conseil en intelligence artificielle. Également professeur à l’Essec, il est aussi l’auteur de l’ouvrage "Guide pratique de l’intelligence artificielle dans l’entreprise" (Éditions Eyrolles). Pour lui, "l’intelligence artificielle apparaît comme une révolution pour l’industrie au même titre que l’a été l’électricité après la vapeur".
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