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Emmaüs Connect en première ligne contre la précarité numérique

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    «Notre plus-value n’est pas tant dans la dimension technique que dans l’empathie et la pédagogie », Benjamin Bitane, Emmaüs Connect (Crédit : Alex Giraud)
  • Alors que la France compte près de 13 millions de « personnes éloignées du numérique », Emmaüs Connect intervient pour réduire la fracture numérique, synonyme de déclassement social. Collecte d’ordinateurs, accompagnement individuel et formation sont au cœur d’une « stratégie à 360° ». Reportage et rencontre avec des bénévoles au service de l'inclusion numérique.

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    À l’heure du tout numérique, c’est un chiffre qui donne à réfléchir. 13 millions de nos concitoyens demeurent éloignés du numérique. Ils n’utilisent pas ou peu internet et se sentent en difficulté face à un écran ou un service en ligne.

    Le défi de l'inclusion numérique

    Le défi à relever est immense et l’État l’a bien compris en mobilisant 4 000 conseillers numériques qui auront vocation, dans les prochains mois, à venir en aide aux plus démunis.

    Le monde associatif n’est pas en reste. Depuis 2013, Emmaüs Connect intervient partout en France à la rencontre d’un public plus varié qu’il n’y paraît à première vue : des personnes âgées, bien sûr, mais aussi des chômeurs, des étrangers, des artisans, des agriculteurs…

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    « Et même des jeunes gens ! », constate Benjamin Bitane, responsable national des formations au sein d’Emmaüs Connect ; « les personnes que nous aidons ont des parcours de vie différents et les jeunes sont souvent à l’aise avec le smartphone récréatif mais beaucoup moins aguerrit face à un service public en ligne. Notre plus-value n’est pas tant dans la dimension technique que dans l’empathie et la pédagogie ».

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    De la précarité numérique à l'insécurité sociale

    Emmaüs Connect est parti d’un constat : la précarité numérique prend des formes diverses et se traduit par de l’insécurité sociale. Des millions de citoyens rencontrent en effet des problèmes d’employabilité alors qu’ils ne maîtrisent pas les rudiments informatiques : postuler un emploi, trouver un logement, prendre un rendez-vous chez le médecin, refaire ses papiers, payer ses impôts, accéder à ses droits sociaux, suivre la scolarité de ses enfants… Autant d’actes de la vie quotidienne qui se passent aujourd’hui en ligne.

    D’autres éprouvent des difficultés face à une administration qui se dématérialise à tout va. À ce jour, plus de 200 démarches administratives, soit 85 % des 250 démarches considérées comme essentielles à la vie quotidienne des Français peuvent désormais se faire complètement en ligne. D’autres encore sont tout simplement dans l’impossibilité de payer un équipement informatique de base ou bien un abonnement internet.

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    Collecte de matériel, formation et accompagnement : traiter le problème à 360°

    L’association a donc fait le choix de « traiter le problème à 360° ». Ses actions portent aussi bien sur la collecte de matériels usagés (ordinateurs, tablettes, téléphones…) qui seront remis aux plus nécessiteux que sur la formation et l’accompagnement.

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    Via le site lacollecte.tech, les entreprises sont invitées à faire don de leur matériel informatique qui sera reconditionné par des employés en insertion. Quelques grandes marques ont joué le jeu (Accor, Décathlon, Carrefour, Capgemini…) en collaboration avec des institutions publiques (régions Île-de-France et Hauts-de-France, métropole Aix-Marseille…).

    « Pour les personnes en situation de précarité sociale, l’accès au numérique représente un coût considérable. Les personnes mal logées ou non bancarisées, en plus de devoir acheter des cartes prépayées très chères dans le commerce, faute de pouvoir souscrire un abonnement, doivent trouver du matériel bon marché et le renouveler pour ne pas se retrouver coupées de services de première nécessité », constate Emmaüs Connect.

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    Freins psychologiques et sentiment de dépassement

    L’association mène également des actions d’accompagnement individuel. Lors d’un premier rendez-vous, un diagnostic est établi : la personne dispose-t-elle d’un ordinateur ? Quelles sont ses compétences ?

    « Sans oublier les freins psychologiques », remarque Benjamin Bitane ; « ces freins se manifestent par un sentiment de dépassement et d’incapacité à utiliser le numérique. On retrouve ce sentiment chez les plus anciens mais pas seulement. Cela peut se traduire par une stratégie d’évitement pour ne pas assumer en public un manque de compétences. Nous sommes aussi face à des personnes qui, pour des raisons idéologiques, critiquent le tout-numérique et prônent la décroissance. Il faut une qualité d’écoute et de l’empathie pour aller vers ce public : nos permanents et nos bénévoles doivent faire preuve d’écoute et d’attention ».

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    Emmaüs Connect intervient aussi sur le volet de la formation à la demande d’opérateurs comme Pôle emploi, les Caisses d’allocations familiales ou l’Éducation nationale. L’association propose des formations pour aider les acteurs de terrain à prendre en charge le public éloigné du numérique. Environ 1 500 personnes (travailleurs sociaux, agents d’accueil, bibliothécaires…) sont accueillies chaque année dans l’un des quatorze centres de formation Emmaüs Connect.

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    Se mettre à la portée du public éloigné du numérique

    Dans la région des Hauts-de-France, Marc Carey est l’un de ces nombreux bénévoles qui donnent de leur temps pour lutter contre la précarité numérique. Cet ancien responsable des systèmes d’information à la retraite depuis quelques mois a d’abord animé une permanence numérique dans une mairie du Nord.

    « En rejoignant Emmaüs Connect, je fais de l’inclusion numérique à une plus grande échelle. J’ai adapté le vocabulaire technique que j’utilisais pendant ma carrière professionnelle pour me mettre à la portée du public éloigné du numérique. Il est important d’utiliser des mots simples ».

    Dans un premier temps, Marc Carey a animé des séances d’accompagnement. Au programme, des opérations simples pour les internautes aguerris mais délicates pour ceux qui souffrent d’illectronisme : réaliser un tableau Excel, envoyer une pièce jointe dans un courriel, effectuer une recherche d’emploi sur le site de Pôle emploi…

    Pendant une séance d’une heure et demie, il dispense les bonnes pratiques et consigne le parcours des bénéficiaires dans un livret. « Certains viennent pour un problème spécifique et découvrent de nouveaux services en ligne. Ils souhaitent alors suivre de nouvelles séances pour améliorer leurs compétences ».

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    Solidarité et bienveillance

    Jeune retraité doté de fortes compétences informatiques, il côtoie d’autres bénévoles aux parcours proches du sien. Mais le profil des bénévoles est varié, avec des étudiants et des personnes entre deux emplois.

    Depuis quelques mois, Marc Carey est impliqué dans la collecte de matériel auprès d’entreprises partenaires. Une mission qui lui prend deux à trois jours par semaine. Emmaüs Connect a récemment distribué près de 400 kits PC (ordinateur reconditionné, casque, disque dur externe, mise à jour logicielle, nettoyage des données…) aux étudiants de l’université de Lille.

    « Tout ce travail représente 300 heures de bénévolat ! Mais venir en aide à ces étudiants est particulièrement gratifiant pour les bénévoles qui placent la solidarité et la bienveillance au cœur de leur engagement. C’est l’ADN de notre maison-mère Emmaüs ! »

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    Rencontre avec Stéphane Roder, le fondateur du cabinet AI Builders, spécialisé dans le conseil en intelligence artificielle. Également professeur à l’Essec, il est aussi l’auteur de l’ouvrage "Guide pratique de l’intelligence artificielle dans l’entreprise" (Éditions Eyrolles). Pour lui, "l’intelligence artificielle apparaît comme une révolution pour l’industrie au même titre que l’a été l’électricité après la vapeur".
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