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Apocalypse : les archives de 14-18 font leur cinéma

  • Apocalypse 1ere Guerre Mondiale.jpg

    Images d'archives avant et après colorisation. (CC&C)
  • Sommaire du dossier :

    Plus de 500 heures d’archives venues du monde entier ont permis d’élaborer la série documentaire Apocalypse La Première Guerre mondiale (1). Restaurées haute définition et colorisées, elles ont plongé 11 millions de téléspectateurs dans l’enfer des tranchées.

    Une cassette vient  d'être livrée dans les bureaux de la maison de production CC&C. Elle provient du Bundesarchive, les archives nationales allemandes. Bien que visionnée en amont par l’équipe de documentalistes, la vidéo ne porte qu’une seule indication : « soldat marchant sur la route ». En quelle année ce  film a-t-il été tourné ? Dans quel pays ? Et qui est ce soldat ? En salle de montage, comme à chaque réception de nouvelles images, l’excitation du « dérushage » bat son plein. L’équipe fait appel aux trois historiens, embarqués eux aussi dans l’aventure d’Apocalypse. L’un d’eux, Paul Malmassari, spécialiste de l'histoire de l'armement, identifie un char en arrière-plan. Il est formel : il s’agit d’un modèle allemand n’existant pas encore en 1916. Et les uniformes ayant évolué au cours du conflit, celui que porte le soldat n’a été vu sur les champs de bataille qu’à partir de 1917… D’investigations en interprétations, d’analyses en expertises, ces archéologues de l’audiovisuel redonnent finalement vie à l'archive en l'ancrant dans sa réalité historique. Pour ce document comme pour les 500 heures de rushes visionnées, l’exigence est extrême.

    Aux commandes d’Apocalypse se trouvent les réalisateurs Daniel Costelle et Isabelle Clarke, deux cinéastes tombés successivement dans le chaudron de la potion magique des archives. On leur doit notamment les deux premiers volets d’Apocalypse, la Deuxième Guerre mondiale et Hitler, visionnés par plus de 100 millions de personnes à travers le monde.

    Si ces deux passionnés ont souhaité réaliser une oeuvre mémorielle avec cette nouvelle série documentaire en cinq parties labellisée par la Mission Centenaire, ils se sont en revanche défendus d’en faire une pièce de musée. Certes, les sources historiques de référence sur lesquelles ils se sont appuyés sont nombreuses. Mais c’est ce qu’ils appellent « l’histoire du sensible », qui les intéresse vraiment, et sur laquelle les spécialistes ne se penchent selon eux que depuis quelques années. « Les témoignages ou les récits autobiographiques des grands romans d’après-guerre nous ont particulièrement intéressés, explique Isabelle Clarke ; nous voulions avant tout sentir l’air du temps, ce qu’il y avait dans la tête des gens ». S’ils n’ont pas transigé sur la rigueur historique, les deux réalisateurs avouent se différencier de la logique de l’historien. « Avec le recul, j’ai presque l’impression d’avoir tourné moi-même ces images, côtoyé ces hommes sur le front et partagé leur quotidien, leurs difficultés et leur douleur, jusqu’aux stratégies de l’état-major, poursuit Isabelle Clarke ; c’est une approche extrêmement vive de l’archive ».

    64 personnes ont été mobilisées, en France et au Canada, au long des deux ans et demi qu’a duré la production et la réalisation de la série documentaire. La recherche des archives a été menée par 12 documentalistes dirigés par la recherchiste en audiovisuel Valérie Combard. La Première Guerre mondiale ayant mobilisé des belligérants de 20 nationalités, ces professionnels ont été répartis sur les différentes régions du monde impliquées dans le conflit. « Les images qui nous parvenaient au départ étaient très moches, car nos documentalistes n’ont pas eu le droit de travailler sur les documents originaux. Ils ont d’abord dû les filmer sur une visionneuse, poursuit Isabelle Clarke. Ce n’est qu’une fois commandées et reçues qu’elles nous arrivaient en clair et soudain, tout s’illuminait ! »

    Véritables pépites

    La recherche de ces archives a permis la découverte de véritables pépites. Installée dans un laboratoire pour visionner certaines images tournées sur des pellicules 16 mm, l’équipe de Valérie Combard est tombée par hasard sur des documents inédits : ...

    « Le technicien du labo nous a demandé sur quel projet nous travaillions, explique-t-elle ; il nous a alors raconté que deux frères leur avaient justement apporté des bobines en 28 mm, un format rarissime. Il s'agissait de films amateurs tournés par leurs ancêtres au début du 20ème siècle, la famille Ferrari ». Répartis sur les différents épisodes d’Apocalypse avec l'accord de la famille, ces films sont des témoignages exceptionnels sur la vie quotidienne des bourgeois français de l’époque.

    Un autre film montre un militaire allemand en permission faisant la démonstration, à sa femme extasiée, de son masque à gaz. Le soldat offre ensuite à son fils une banane de façon cérémonieuse. « En soit, cette scène n’a l’air de rien, explique Isabelle Clarke ; mais il faut se remettre dans le contexte de la famine que connaît l'Allemagne à la fin de la guerre. Si cette banane a été filmée, c'est qu'elle est absolument extraordinaire, ayant traversé le blocus de la Royal Navy et probablement volée à un prisonnier français. Il s’agit même peut-être de la seule banane d’Allemagne ! » C’est dans cette recherche que leur travail se rapproche de celui de l’archéologue, grattant inlassablement jusqu’à tomber sur une pièce historique majeure.

    Daniel Costelle estime d’ailleurs mener deux carrières parallèles, celle de cinéaste et celle d’archiviste, lesquelles se rejoignent parfois, comme lors de la quarantaine de jours qu’a duré le travail de restauration des images. Celles-ci ont d’abord été « nettoyées » grâce à une machine détectant automatiquement les poussières. La stabilisation elle, n’a pas été forcée afin de ne pas produire  d'images pixélisées à l’aspect trop « numérique ».

    La phase de l’étalonnage, elle, a permis par exemple de rééclairer des visages pour donner toute leur dimension à certains documents en attirant l’attention du spectateur sur un personnage en particulier. « Il s’agit d’un travail sous-terrain que l’on ne peut réaliser qu’en empruntant des outils du cinéma pour les mettre au service du documentaire », explique Isabelle Clarke.

    Colorisation

    Pendant près d’un an, un long travail de recherche historique sur plus de 2 500 plans a été mené par l’assistante-réalisatrice Camille Levavasseur et deux doctorants en histoire. Leur objectif : retrouver les couleurs des images noir et blanc. L’analyse de sources écrites et iconographiques a été poussée jusqu’à consulter les pièces de collectionneurs, de ventes aux enchères ou de musées. C’est le cas par exemple de la tunique que portait François-Ferdinand le jour de son assassinat ou de la voiture dans laquelle il se trouvait, toutes deux exposées au musée historique de l’armée à Vienne ; tout comme du SpadVII, l’avion de Guynemer, conservé au Bourget. Ces informations ont permis de renseigner un maximum d’éléments : l’univers militaire (une vingtaine d’uniformes de nationalités différentes), l’architecture, l’environnement, la mode des civils. Il en est de même des éléments du quotidien (la couleur des bus parisiens de 1914 ou le physique des protagonistes comme la couleur des yeux bleus de Georges V). Pour les 260 minutes de la série, plus de 2 800 visuels donnant ces informations ont été fournis à l’équipe de François Montpellier, chargé de la mise en couleur. Celle-ci a duré 47 semaines. « Si nous avions fait une erreur dans la chronologie des plans, celle-ci nous revenait alors comme un boomerang, car la colorisation est comme une deuxième lecture du montage », explique Isabelle Clarke.

    Si la Grande Guerre n’est pas le premier conflit filmé de l'histoire, il est en revanche le premier à avoir été médiatisé, à des fins de propagande et pour la diffusion d’actualités au cinéma. Personne ne soupçonnait pourtant l’importance des images amateurs, souvent inédites, auxquelles Apocalypse a fait une large place. Restituant les archives au grand public après les avoir auscultées et trasfigurées, les deux réalisateurs estiment avoir apporté « quelque chose » à la notion même d’archives. Sans doute leur dimension cinématographique ? À une nuance près : les morts ne se relèvent pas après la prise.


    + Repères

    Apocalypse sur le web

    L’univers de la série Apocalypse se poursuit sur le site internet de France 2 de façon intuitive et immersive. Une carte interactive permet à l’internaute d’accéder à une vaste bibliothèque de contenus thématiques présentant les événements majeurs du conflit, les grandes figures de la période, mais aussi des aspects moins connus de la vie civile et militaire de l’époque.

    Plus d’une centaine de contenus additionnels y sont en effet proposés, depuis des vidéos inédites issues des archives des armées française, canadienne et américaine. Ou encore des extraits de la série, en passant par des fiches pédagogiques sur les protagonistes de la période ou des infographies, jusqu’aux vidéos de making of sur les coulisses de la production.

    Centre névralgique de l’univers Apocalypse, ce portail donne accès aux différentes déclinaisons numériques des trois volets de sa collection : La Deuxième Guerre mondiale, Hitler et La Première Guerre mondiale. 

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    Pour le centenaire de la guerre de 14-18, les archives montent au front ! L’événement connaît une ampleur nationale. Très attendu du public, il a pu être préparé de longue date.
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    Rencontre avec Stéphane Roder, le fondateur du cabinet AI Builders, spécialisé dans le conseil en intelligence artificielle. Également professeur à l’Essec, il est aussi l’auteur de l’ouvrage "Guide pratique de l’intelligence artificielle dans l’entreprise" (Éditions Eyrolles). Pour lui, "l’intelligence artificielle apparaît comme une révolution pour l’industrie au même titre que l’a été l’électricité après la vapeur".
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