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Le versement d'archives à l'ère numérique

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    Le versement d’archives électroniques est balisé par le modèle OAIS devenu norme internationale en 2003 sous la référence Iso 14721. (Pixabay/Wokandapix)
  • Procédure incontournable du métier d’archiviste, le versement de documents électroniques doit être envisagé en amont et réalisé de façon très automatisée. Mais, déjà, certains professionnels s’interrogent sur la pertinence de la notion de versement face à la multiplication des flux numériques tendus. 

    La révolution numérique a chamboulé de nombreuses pratiques professionnelles, mais elle ne les a pas toutes fait disparaître. Les archivistes doivent toujours procéder à des versements. Naguère, ils le faisaient pour des documents physiques qui prenaient place dans des boîtes de rangement. Aujourd’hui, ils le font pour des fichiers numériques qu’il s’agit de ranger dans des arborescences. 

    Procédure incontournable du métier d’archiviste, le versement est une « opération matérielle et intellectuelle par laquelle la responsabilité de la conservation d’archives passe de l’administration à un service de préarchivage ou à un service d’archives, ou bien d’un service de préarchivage à un service d’archives. Ce terme désigne aussi, par extension, les documents ainsi transférés », peut-on lire dans le célèbre Abrégé d’archivistique de l’AAF (1). Et les indispensables bordereaux de versement documentent les archives de façon précise afin de permettre leur exploitation future : provenance, date de versement, nature des dossiers, communicabilité...

    Dans sa version numérique, le versement est également accompagné de métadonnées : format, langage, structure et codification des données. Ces métadonnées doivent être signalées en amont comme le rappelle un vade-mecum réalisé par les Archives nationales : « La préparation du versement doit être envisagée dès la création des documents, voire en amont, par l’organisation des dossiers par plan de classement. En effet, en dehors de tout système de production de type gestion de contenus et sans un minimum de normalisation, il est difficile d’inventorier et de décrire archivistiquement les fichiers bureautiques sans être obligé de les ouvrir. Ainsi, dès qu’un versement dépassera les quelques centaines de fichiers, il ne pourra plus être raisonnablement traité de façon manuelle » (2)

    Automatisation maximale

    Ce versement en amont doit aussi se conjuguer avec une automatisation maximale des procédures. Les documents seront ainsi 

    archivés dès après leur création (ou au plus près). Bonne nouvelle pour les archivistes : leur tâche est désormais facilitée grâce aux solutions d’archivage électronique qui génèrent automatiquement des bordereaux de versement.

    Le versement d’archives électroniques est balisé par le modèle OAIS devenu norme internationale en 2003 sous la référence Iso 14721. Celle-ci aborde aussi bien le versement de données que leur stockage et leur gestion. Et au mois de mars 2006, une première version du Seda (Standard d’échange de données pour l’archivage) est venue préciser les choses. Son objectif : faciliter les différentes phases de l’archivage grâce à la modélisation et à la normalisation des échanges de données. Le Seda assure ainsi l’interopérabilité entre les applications métier et les applications d’archivage ou entre les applications dédiées à l’archivage. 

    À l’intérieur du Seda, la mécanique se déroule de la façon suivante : les étapes du processus d’archivage sont décomposées en différents messages structurés selon le langage informatique de balisage générique XML ; ces balises normalisées permettent ensuite d’identifier les métadonnées et les données. « Les messages se substituent en quelque sorte aux traditionnels bordereaux de versement et contiennent les archives électroniques elles-mêmes » (1).

    Réexaminer la notion de versement

    Dans une communication prononcée à l’occasion d’un colloque international consacré à l’archivage électronique (3), Anne Burnel, directrice des archives du Groupe La Poste, s’interrogeait : « La notion de versement mérite d’être réexaminée. Peut-on encore parler de versement lorsqu’il s’agit d’archiver un flux régulier de données issues d’applications informatiques ? Y a-t-il encore à proprement parler collecte quand ces données sont enregistrées dès leur création ou leur validation et conservées dans un système d’archivage électronique qui peut être accessible et administré simultanément par le service producteur et par le service des archives pendant tout ou partie de la durée d’utilité administrative ? »

    À ses yeux, les documents produits à l’état numérique de façon native changent en effet la donne : « Il est ainsi envisageable de capturer automatiquement les documents dès leur création ou leur validation et de les injecter immédiatement dans un système d’archivage électronique, à flux tendus si besoin. En exonérant le service versant de la préparation de ses versements et le service des archives de leur prise en charge, ce traitement automatisé allège d’autant la tâche de l’un et de l’autre et garantit un archivage systématique des documents au plus près de leur création ou de leur validation. Il permet aussi de mettre rapidement (dans un délai de l’ordre de quelques heures) les documents archivés à la disposition des utilisateurs, ce qui correspond à une demande forte des services ».

    Mais une telle révision de la notion de versement ne s’improvise pas. Elle doit passer par le respect d’un certain nombre de procédures et s’appuyer sur des définitions scrupuleuses : périmètre documentaire, règles de contrôle et d’enregistrement, création de métadonnées, règles de classement, droits d’accès... « Ce travail indispensable est également à réaliser avant la mise en place du système d’archivage ; il s’effectue en collaboration avec le service producteur pour prendre en compte les processus et les contraintes réglementaires de son secteur d’activité ainsi que ses besoins opérationnels. C’est l’occasion de rationaliser la production documentaire, de répondre autant que possible aux besoins des utilisateurs, voire de préciser certains points de procédure métier », estime Anne Burnel.

    Versements analogiques, versements numériques

    À l’étranger aussi, la question des versements électroniques se pose. Les Archives fédérales suisses (AFS) disposent depuis 2009 d’une solution dédiée à l’archivage numérique. Les versements de dossiers, documents et données doivent désormais être réalisés de trois à cinq ans après leur production. « Par conséquent, à partir de 2018, nous nous verrons confrontés à une dernière vague de versements analogiques et à un nombre important et croissant de versements numériques, auxquels viendront s’ajouter les versements de géodonnées, de sites web et d’autres informations de provenances techniques multiples », expliquent Andreas Kellerhals, Krystyna Ohnesorge et Stefan Nellen (3).

    Proches du versement des documents papier, les procédures suisses de versement des données numériques ont toutefois leurs particularités. Les offices (administrations) versants et les Archives fédérales suisses (AFS) évaluent ensemble le corpus documentaire qui fera l’objet d’un versement. « Les documents sont alors transportés aux AFS. Enfin, une fois les documents pris en charge par les AFS, le versement doit être conclu. Le processus de versement des données numériques commence, lui aussi, par l’évaluation et le tri des documents – une évaluation en amont. Puis se succèdent : la préparation des données, leur transfert aux AFS et la conclusion du versement. La différence la plus importante dans l’adaptation du processus au numérique touche donc à l’évaluation qui ne se fait plus à la fin de ce cycle, mais à son début, soit avant même la production des premiers documents », expliquent les Archives fédérales suisses.

    L’accroissement de la production documentaire numérique oblige les organisations (publiques et privées) à repenser leurs procédures. Elles devront donc prendre en considération les aspects techniques et fonctionnels proposés par les systèmes d’archivage électronique proposés par les éditeurs. Et regarder de près l’interopérabilité entre les applications de production et les applications de consultation ainsi que les considérations techniques (création de métadonnées, techniques de versement...).

    (1) Abrégé d’archivistique. Principes et pratiques du métier d’archiviste. Association des archivistes français (réédition de 2012).

    (2) Vademecum de l’archivage électronique. Archives nationales. 2012.

    (3) Quand l’archivage devient électronique. Actes du colloque international organisé par les Archives diplomatiques et les Archives nationales, 5 et 6 février 2013. 

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