Ils s’appelaient Jules Dumont d’Urville (1790-1842), commandant Charcot (1867-1936) et Paul-Emile Victor (1907-1995). À eux seuls, ces trois hommes incarnent l’une des plus captivantes aventures menées à la surface de la Terre : les Expéditions polaires françaises.
Sur près de trois siècles, ils ont, avec leurs camarades, bravé les éléments pour rallier les deux pôles et mener des recherches scientifiques aussi bien en Arctique qu’en Antarctique.
Lire aussi : Voici la méthode de l'IGN pour numériser des cartes anciennes (en 9 étapes)
Un patrimoine librement accessible en ligne
Les Expéditions polaires françaises (EPF) ont également produit un important patrimoine documentaire qu’il est désormais possible de consulter en ligne.
Lancé au mois de novembre 2018, le portail web Archipôles rassemble les archives des Expéditions polaires françaises, mais aussi celles de l’Institut polaire français Paul-Emile Victor ainsi que les fonds des Terres australes et antarctiques françaises (TAAF).
« Ce patrimoine est riche et varié », explique Aude Sonneville, responsable du département communication de l’Institut polaire français Paul-Emile Victor ; « on y trouve des cartes annotées, des objets de mesure météorologique, des photographies, des films, des documents manuscrits comme la correspondance que les personnels installés dans les bases françaises entretenaient avec leur famille… »
Lire aussi : National Geographic numérise 130 années d'archives cartographiques
Archipôles moissonne
Conçu par la société Arkhênum, Archipôles donne accès à ce patrimoine documentaire hétérogène via une série d’outils : un moteur de recherche, des onglets par types de documents (iconographiques, vidéos, cartes, etc.), une carte interactive… De nombreux filtres sont également mis à disposition des internautes pour enrichir leur expérience utilisateur. L’on peut aussi créer un espace personnel et créer un panier de favoris.
Le portail offre même plus que cela puisqu’il est doté d’une fonction de moissonnage :
« Archipôles se base sur les dernières technologies (OAI, IIIF, SRU…) pour moissonner des contenus sur des sites aussi variés que Gallica ou encore la Cinémathèque de Bretagne », explique Arkhênum.
« Aujourd’hui, nous travaillons sur l’optimisation du moissonnage afin d’améliorer la pertinence des résultats de recherche. Archipôles a l’ambition d’être à la fois un espace de consultation et un catalogue permettant de localiser les objets dispersés dans différentes institutions », précise Aude Sonneville.
Lire aussi : Les archives de la Société de Géographie mises en ligne sur Gallica
Les petits métiers du Pôle Sud
Si les noms de Dumont d’Urville, Charcot et Victor sont relativement connus du grand public, il ne faut pas oublier tous les autres qui ont contribué aux Expéditions polaires françaises.
Archipôles donne ainsi de la visibilité à de nombreux métiers que l’on ne s’attend pas à trouver sous des latitudes aussi hostiles : mécaniciens, électriciens, plombiers, charpentiers, cuisiniers, documentaristes, ingénieurs logisticiens… Sans eux, la vie au sein des bases en Arctique et en Antarctique aurait tout simplement été impossible. Et les glaciologues n’auraient pu mener à bien leurs missions scientifiques.
Le « premier public » d’Archipôles est constitué par la communauté polaire. Cette documentation numérisée permet en effet de documenter la fonte des glaciers en superposant des prises de vue réalisées sur plusieurs décennies. Elle témoigne aussi de l’impact du réchauffement climatique sur les colonies de manchots.
Lire aussi : France Archives lance la carte des lieux d'archives pour découvrir les sources liées à un territoire
Vivre les expéditions par procuration grâce aux archives
Le grand public peut lui aussi vivre par procuration ces expéditions qui ne sont guère accessibles au commun des mortels.
Dès sa création, Archipôles a été conçu comme « un projet en construction qui grandira grâce à la force de la communauté polaire ». L’Institut polaire français Paul-Emile Victor est régulièrement contacté par des particuliers qui proposent leurs propres archives. Après évaluation, celles-ci peuvent faire l’objet d’une numérisation.
À partir de 2020, des archives orales rejoindront le corpus existant. Les Archives nationales doivent en effet recueillir les témoignages des personnes qui ont travaillé au sein des Expéditions polaires françaises. Ces vidéos seront progressivement mises en ligne sur Archipôles.
Lire aussi : Quelle réglementation pour les systèmes d’information géographique ?
Zoom sur : la recherche polaire française
Au 18e siècle, de grandes expéditions furent lancées à travers le monde avec des scientifiques, des naturalistes, des astronomes, des géographes, des hydrographes… Dès le 19e siècle, la France a investi les pôles (Arctique et Antarctique). De cette tradition est née une école ethnologique française incarnée par Dumont d’Urville et Jean-Baptiste Charcot. Dans leur sillage des chercheurs comme Jean Malaurie ou Paul-Émile Victor ont poursuivi l’aventure tout au long du 20e siècle.
L’Année géophysique internationale
Le 27 février 1947, sur proposition de Paul-Emile Victor, le gouvernement approuve la création des Expéditions polaires françaises (EPF). Dès 1948, les EPF organisent les deux premières expéditions au Groenland et en Terre Adélie qui mettront en œuvre des programmes scientifiques approuvés et supervisés par l’Académie des Sciences.
L’Année géophysique internationale de 1957-58 donne un véritable élan à la recherche polaire et les activités scientifiques françaises n’ont cessé de s’accroître depuis cette période. En janvier 1992, l’Institut français pour la recherche et la technologie polaires (IFRTP) est créé par la fusion de la Mission de recherche des Terres australes et antarctiques françaises (TAAF) et des Expéditions polaires françaises (EPF). Il prendra le nom d’Institut polaire français Paul-Emile Victor (IPEV) en 2002.