L’énergie et la flexibilité sont les dénominateurs communs des profils qui ont su rebondir. Isabelle Celer en témoigne. Car de l’énergie, il en faut pour travailler le mouvement au quotidien, puisque « danseuse contemporaine » était son travail.
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Dix-huit mois de "galère"
« J’ai fait de la danse classique comme beaucoup de petites filles », confie-t-elle ; « puis j’ai découvert la danse contemporaine qui a véritablement résonné en moi ».
L’adolescente, qui a grandi à Limoges, tente d’abord de conjuguer des études de lettres avec ses cours au conservatoire de La Rochelle puis au Centre national de danse contemporaine d’Angers, école de référence dans ce domaine.
« Le choix d’arrêter mes études s’est finalement imposé », explique-t-elle ; « j’avais mordu à l’hameçon ».
Son diplôme en poche, elle « monte » à Paris et écume les auditions, sans succès. Elle profite néanmoins de ces dix-huit mois de « galère » pour passer son diplôme de professeur de danse et assurer ses arrières.
La scène
Quand elle décroche enfin le bon contrat : en 1995, elle intègre le projet Verba Volant, monté par le duo Schmid-Pernette, qu’elle retrouvera régulièrement. Sa carrière décolle.
« Être vue sur scène permet d’entrer dans un réseau », explique-t-elle ; « je n’avais plus besoin de passer d’audition ».
Une vie mobile, faite de tournées en France et à l’étranger, débute. La jeune femme, qui enchaîne les contrats durant quinze ans et enseigne dans les écoles, s’inquiète néanmoins pour son statut d’intermittente qu’elle sait menacé.
Jusqu’au coup dur, à près de quarante ans : une compagnie pour laquelle elle travaillait déjà ne la retient pas pour un projet. Si la danse contemporaine se défend de toute discrimination, notamment envers les danseurs de plus de 40 ans, la réalité est plus rude.
« Bien sûr, je ne dansais plus avec la même fougue qu’à 25 ans, mais j’avais gagné en maturité », regrette-t-elle ; « je devais préparer la suite ».
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Documenter l'éphémère
À la fin de sa carrière, elle suit une formation sur les traces de la danse auprès de l’historienne et critique Laurence Louppe.
« L’aspect documentaire de cet art éphémère m’a intéressée », confie-t-elle ; « ce fut le déclencheur ».
Isabelle Celer actionne alors les bons leviers : un bilan de compétences, une évaluation en milieu de travail (EMT) au sein de la médiathèque du Centre national de la danse de Pantin et un congé individuel de formation. Elle s’inscrit ensuite au DUT gestion de l’information et du document dans les organisations de Nancy, dont elle sort diplômée en 2011.
Après plusieurs contrats courts, elle intègre la BU de Paris 13 pendant trois ans au bout desquels elle réussit le concours de bibliothécaire. Nous sommes alors en 2016.
« Cela m’a légitimée », se souvient-elle ; « ma reconversion était actée ».
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Bibliothécaire accomplie
Aujourd’hui responsable de la formation professionnelle de la bibliothèque Sainte-Barbe, à Paris, Isabelle Celer s’appuie souvent sur son propre parcours :
« Je sais comment ça fonctionne et j’arrive à me mettre à la place de ceux que j’oriente », explique-t-elle.
Si le bilan de sa reconversion est positif, elle reconnaît avoir encore du mal à se faire à l’immobilisme de la vie de bureau, que ses deux cours hebdomadaires de danse ne suffisent pas toujours à compenser. Surtout, elle a un autre projet : travailler en bibliothèque municipale afin de se positionner sur certains enjeux de société, notamment auprès des jeunes publics et des seniors.
Car Isabelle Celer a facilement identifié le lien entre ses deux parcours professionnels :
« Ce que j’aime avant tout, c’est la médiation ; c’est la transmission au public qui m’a toujours portée ».
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Elle like
- Sa chorégraphe préférée : l’américaine Trisha Brown (1936-2017), « pour la liberté et la fluidité du langage corporel qu’elle a développé ».
- Son projet le plus atypique : une version dansée de « La flûte enchantée », de Mozart, créée par la compagnie Pernette, qui mêlait danseurs contemporains et hip-hop.
- Le pays qui l’a marquée : l’Arménie. « Je m’y suis rendue quatre fois. Ce pays rude et marqué par les drames est très cher à mon cœur. J’y ai fait des rencontres inoubliables ».