La veille sous pression ou quick and dirty, ça vous parle ? Nous avons tous vécu des moments où la pression pour mener un projet nous imposait une cadence inhabituelle. Ces moments sont en même temps stressants et intéressants car ils nous imposent de trouver des chemins de traverse, des nouvelles voies, pour arriver plus rapidement à destination. La veille n’est pas épargnée par ces « coups de bourre » professionnels. Il est donc important de voir comment l’on peut mettre en place une dynamique de veille avec quelques raccourcis salutaires.
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Veille sous pression ou quick and dirty ?
« Quick and dirty » (que l’on pourrait traduire par « vite fait, mal fait ») est un qualificatif issu du monde informatique et que l’on rencontre parfois à propos d’une mission de veille à réaliser dans l’urgence, en se permettant quelques entorses à la manière, mais devant conduire à une résolution rapide du problème.
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Qui peut être concerné par une veille sous pression ?
La mise en place d’une dynamique rapide de veille sous pression va intéresser différents acteurs. Non seulement les petites ou moyennes entreprises qui vont vouloir aller vite avec des outils gratuits, mais aussi les grandes entreprises.
Soit parce qu’elles doivent mettre rapidement une veille en place, généralement parce que le haut management s’est emparé du sujet, soit parce qu’une entité doit pouvoir agir rapidement et avec agilité et ne veut pas passer par un service centralisé de veille qui ferait les choses certainement très bien, mais avec des délais allongés.
Partons du principe que le feu vert vient de tout en haut de la hiérarchie. Que votre supérieur hiérarchique direct semble jouer sa promotion sur la réussite de ce projet. Et que vous-même n’avez jamais vu une telle effervescence pour la veille ! Vous êtes décidé à jouer votre va-tout. Voyons donc comment faire vite et bien pour mettre en place une dynamique !
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Veille quick & dirty : quelle méthode ?
Définition des besoins
Cette première phase passe normalement par des entretiens avec les collaborateurs finaux, clients de la veille. Ceci pour avoir la meilleure vision des besoins réels de l’organisation (qui a besoin de quoi, quand, sur quel support…) et de l’existant en matière de veille.
Cette phase est souvent passionnante car elle vous fait voyager dans l’organisation et vous fait rencontrer un certain nombre de collaborateurs. Mais dans notre cas, il faudra se contenter d’une perception réduite. Pas ou peu d’entretiens donc dans cette première étape. De toute façon, les lignes directrices ont été données par les grands chefs. Elles sont floues — comme souvent ! —, mais l’on va devoir s’en contenter.
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Le choix des outils
Cette seconde phase est plus technique, forcément. Les choses sérieuses commencent !
Trois cas de figure se présentent :
- Si vous n’avez pas d’outil et peu de budget, il sera possible de se rabattre sur le gratuit ou le quasi gratuit. Avec Inoreader, nous avons là un agrégateur de flux RSS de qualité. À 50 euros d’abonnement annuel, pas d’appel d’offres, pas de demande de budget. Tout va bien.
- Maintenant, si votre entreprise a la chance d’avoir précédemment débloqué les fonds pour l’abonnement à une plateforme de veille professionnelle, et que vous avez été formé, il va falloir mettre les mains dans le cambouis. Ce n’est pas désagréable. Et je trouve personnellement que l’on conduit une voiture d’autant mieux que l’on comprend le rôle de l’embrayage, des pistons ou des bougies. C’est la même chose pour la conduite de la veille qui se fait d’autant mieux que l’on comprend ce que sont un flux RSS, des opérateurs de recherche ou des expressions régulières.
- Vous voulez en profiter pour réclamer un budget et acquérir une plateforme ! C’est bien joué… mais c’est aussi dangereux. Si vous avez les coudées franches pour choisir l’outil, pourquoi pas. Mais si vous devez passer par le service achats avec un process rigoureux, mais lent, vous risquez de rater le coche.
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Paramétrage : intégration des sources et création des règles
Durant cette phase, le temps sera votre ennemi. Il faudra faire vite. Selon la célèbre loi de Pareto, vous ferez 80 % du paramétrage en 20 % du temps. Et tant pis pour les fignolages. Voici quelques idées pour booster la recherche des sources pertinentes.
- On peut commencer par récupérer ses favoris pour se faire une base de liens utiles. On pourra aussi demander aux collègues concernés par la veille de faire de même.
- On peut aussi parfois tomber sur des listes de sources. Par exemple, la requête [filetype:xls lemonde.fr/lesechos.fr liberation.fr RSS] vous donnera une jolie petite liste de flux de la PQN prêts à être intégrés à votre agrégateur. On peut tenter d’autres pistes, comme une interrogation Twitter avec la requête [filter:links +les mots clés utiles] qui ne ramènera que des tweets avec des liens. On pourra jouer avec les opérateurs de recherche de Twitter : par exemple pour avoir les tweets d’une personne cible s’ils comportent des liens [from:babgi filter:links numérique OR internet] (attention, Twitter place des liens sponsorisés).
- Troisième astuce, sur Chrome, on pourra ajouter l’extension SEOQuake qui permet de récolter toutes les URL d’un résultat de Google. Ainsi la requête [intitle: « voiture électrique » intitle:innovation] vous donnera une cinquantaine de liens dont certains sont intéressants. Les collecter d’un coup, suivi d’un petit nettoyage dans Excel fait gagner du temps.
On l’aura compris, il y a pléthore de trucs et astuces.
Pour finir, si l’on peut se permettre un peu de fantaisie dans l’intégration des sources, on sera par contre très rigoureux dans l’écriture des requêtes de filtrage. Pas question de se laisser envahir par le bruit, facteur de perte de temps et de stress.
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Et le réseau humain ?
La pression que vous avez pour faire vite et bien va certainement vous faire écarter l’implication de réseaux humains : réseaux des commerciaux, marketeurs, chercheurs… Tous peuvent être des collecteurs d’information en puissance.
Mais avons-nous le temps de les mobiliser ? Il est probable que non. Pourtant, il serait dommage de se priver de ces apporteurs d’informations de premier choix.
Que faire ? Si vous avez pu prendre les devants à votre entrée en fonction et les avez peut-être cartographiés, bravo ! Vous pourrez quand même organiser une remontée d’information de qualité. Dans le cas contraire, il faut en faire son deuil et se promettre de les mobiliser ultérieurement.
Voici pour la construction. Passons à la production.
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Livrables : quel mode de production ?
Analyse des informations
Avec l’analyse des informations, nous ne sommes plus dans une phase de construction du système de veille en tant que telle. Nous entamons une phase récurrente de production des livrables.
Ici encore plus qu’ailleurs, la pression sera mauvaise conseillère. Nous pourrions néanmoins nous aider des matrices de gestion comme outil d’aide au raisonnement. Attention aussi aux biais cognitifs qui sont les ferments de toutes les erreurs d’interprétation.
En tant que consultant, on me demande souvent le pourcentage de temps qu’il faut passer en analyse. Une réponse objective est naturellement impossible. Mais on peut hasarder que cette activité doit prendre au moins un tiers du temps du veilleur.
L’automatisation de la collecte a justement pour but de libérer du temps de cerveau.
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Diffusion
Est-ce parce que l’outil choisi automatise la diffusion qu’il ne faudrait rien faire ? La réponse est dans la question. Je suis toujours déconcerté par l’enfermement dans lequel peuvent s’être mis certains veilleurs. Il faudrait une étude sociologique sur le sujet.
Il est nécessaire, a fortiori dans une période compliquée, d’être ouvert en interne sur tout ce qui peut vous aider à mieux tenir votre rôle.
C’est donc le moment d’accompagner l’envoi de vos livrables par une sollicitude toute particulière. Échange avec vos clients internes, présentation orale, mesure de satisfaction… : il ne faudrait pas négliger les fondamentaux.
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Évaluation
Pour finir, ne perdez pas de vue que l’on doit rendre des comptes. Dès le départ, fixez avec votre responsable hiérarchique les critères de satisfaction.
Prenez des critères simples : combien de sources, combien de clients internes, combien de livrables, quelle profondeur d’analyse ?
N’oublions jamais que ce qui ne se mesure pas n’existe pas. Il serait trop dommage d’avoir fait tout ce travail en urgence… pour rien.
Monter ce travail de veille rapidement ne doit pas signifier le défaire tout aussi rapidement… Et sacrifier la pérennité sur l’autel de l’immédiateté.
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Jérôme Bondu
Expert dans la mise en place et l’optimisation de système de veille
Directeur du cabinet d’intelligence économique Inter-Ligere.fr
Auteur de "Maîtrisez internet… avant qu’internet ne vous maîtrise”, Ed. VA Presse et Inter-Ligere, 2018, et de « Voyage au pays des réseaux humains », Lavauzelle, 2011