Article réservé aux abonnés Archimag.com

Les règlements intérieurs des centres de documentation

  • reglement-interieur-centres-documentations.jpg

    explication-reglement-interieur-centre-documentation
    Le règlement intérieur de centre de documentation représente un "point d’aboutissement de l’aménagement des responsabilités" dans le cadre du fonctionnement d’un service. (Canva)
  • Il est un sujet rarement évoqué et pourtant ô combien protecteur pour les professionnels, sur le plan de leurs responsabilités : les règlements intérieurs de centres de documentation ou "chartes documentaires". Explications.

    mail Découvrez Le Push du Veilleur, la newsletter thématique gratuite d'Archimag dédiée aux professionnels de la veille et de la documentation !

    En droit du travail et/ou de la fonction publique, un règlement intérieur est un document interne à la structure de l’employeur qui édicte les conditions de travail et de vie au sein de celle-ci. Pour avoir valeur hiérarchique, il doit être soumis pour avis consultatif au CSE (Comité social et économique - ancien comité d’entreprise).

    Une fois publié, il permet à l’employeur, en cas de non-respect des règles qu’il contient, de prendre des mesures disciplinaires prévues par le droit du travail ou de la fonction publique. Sans aller jusqu’à cet aspect disciplinaire, ce type de document permet de protéger l’entreprise et l’ensemble de ses services contre des pratiques illégales ou à risques qui pourraient engager sa responsabilité du fait de ses employés (article 1242 al.5 Code civil - responsabilité civile des employeurs du fait de leurs employés).

    Le règlement intérieur de centre de documentation

    C’est dans cet objectif que de nombreux règlements intérieurs de centres de documentation peuvent être conçus. Pour prendre leur pleine valeur en droit du travail, ils doivent alors être expressément rattachés au règlement intérieur principal de la structure.

    Cependant, certains n’ont pas cette valeur pour n’avoir pas été soumis au CSE. Ils prennent cependant valeur de document indicatif des bonnes pratiques, un peu comme une norme Afnor, qui en principe n’a pas de valeur contraignante.

    Lire aussi : Mutualiser son centre de documentation : un défi humain et technique

    Des responsabilités professionnelles limitées

    Le règlement permet de limiter la responsabilité des professionnels de l’information-documentation. Dès l’instant où les bonnes pratiques juridiques et où les risques juridiques sont rappelés (par exemple, autour de l’usage privé du copiste ou de l’existence d’un droit d’auteur sur tout document trouvé sur internet), le texte s’appliquant à tous les personnels, ceux-ci seront responsables de leurs actes en pleine connaissance de cause.

    Le centre de documentation aura ainsi informé sur les risques et ne pourra se voir reprocher de n’avoir pas fait les mises en garde et rappels au droit nécessaires.

    En cas d’accueil de public

    Lorsque le centre de documentation accueille du public, le règlement ne pouvant être contraignant pour celui-ci, il tiendra lieu de rappel des responsabilités de chacun, notamment vis-à-vis des lois. En revanche, le document pourra aussi contenir des règles concernant spécifiquement les publics externes, par exemple les règles de prêt d’ouvrages.

    Règlement intérieur ou charte documentaire ?

    La distinction n’est pas que terminologique :

    • le "règlement" - à l’instar de celui de l’entreprise - a vocation à s’imposer au personnel de l’entreprise de par l’autorité hiérarchique. Les règles ainsi édictées s’imposent à tous ; 
    • la "charte" se veut plus contractuelle. Comme tout document émanant de l’entreprise, elle a valeur de règlement à respecter, mais elle est en plus signée par chacun des membres du personnel : il y a donc un engagement personnel qui donne au salarié l’impression de s’engager personnellement, plutôt que de subir un règlement. Et pour les publics externes, leur faire signer cette charte les engage personnellement.

    Lire aussi : Créer une base de gestion documentaire avec ChatGPT et des outils no-code

    Finalités d’un règlement intérieur de centre de documentation

    On peut qualifier ce document de "point d’aboutissement de l’aménagement des responsabilités" dans le cadre du fonctionnement d’un service. C’est un document qui doit être conçu comme le réceptacle de toutes les règles d’usage et de pratiques documentaires et informationnelles à destination des professionnels du service, ainsi que de ses usagers.

    Même si "nul n’est censé ignorer la loi", le règlement est là pour rappeler les règles de droit à respecter dans le contexte particulier de l’information-documentation.

    On aura soin d’y grouper toutes les clauses qui rappellent les droits des usagers, leurs limites, le nécessaire respect des droits externes, tels que les droits d’auteur et autres droits de propriétés intellectuelles, et les éventuels droits de protection et de confidentialité des données.

    La pédagogie est faite de répétitions…

    Si le règlement est le "réceptacle" de toutes les règles, cela ne dispense pas ces diverses clauses et rappels à la loi de se trouver également mentionnés directement dans les prestations de services (par exemple, le rappel des limites de l’usage privé du copiste affiché près du photocopieur, ce même rappel sur les ordinateurs permettant l’accès à internet, etc.).

    Un document qui suit les pratiques documentaires existantes

    Il convient de lister les pratiques documentaires qui peuvent déboucher sur des risques juridiques.

    Quelques cas emblématiques

    C’est typiquement le cas des documents qui sont transmis par la documentation aux salariés de l’entreprise pour leur usage strictement privé et individuel et qui seraient tentés de les partager à l’extérieur de l’entreprise.

    Une clause du règlement rappellera donc les limites de l’exception d’usage privé du copiste et érigera en règle de comportement la non-diffusion de tels documents. Ce qui ne dispense pas de reprendre le même avertissement lors de chaque transmission de document.

    Lire aussi : Documentation : pour ses 30 ans, Interdoc parle surtout d’avenir

    Même chose, par exemple, pour les documents confidentiels internes à l’entreprise, ou qui seraient fournis par un client dans le cadre de relations de travail, encadrées par une clause de confidentialité.

    Attention aux collectes personnelles des usagers

    On pourra aussi penser à l’usage qui est souvent fait par les personnels de documents qu’ils vont directement collecter sur internet et réutiliseront dans le total mépris ou l’ignorance des droits existants sur ceux-ci : droits d’auteur, droits sur les images, données personnelles, etc. Il importe donc de rappeler aussi les risques juridiques associés à ces pratiques.

    Pour les centres de documentation ouverts au public

    Dans cette hypothèse, le règlement intérieur pourra également mentionner les règles d’accueil du public :

    • jours et heures d’ouverture — moyens de contact (téléphone, mail, plateforme documentaire en ligne…) ;
    • s’il y a lieu : les règles du prêt des documents et/ou le service question-réponse, avec toutes les précautions tenant à la responsabilité du fournisseur d’information et rappel des règles de confidentialité des données personnelles des usagers (respect du RGPD).

    Le règlement sera tenu à la disposition du public et/ou affiché sur place. Au besoin, il lui sera distribué au moment de l’inscription si une telle formalité est prévue. Le formulaire d’inscription mentionnera dans ce cas que l’usager a reçu une copie du règlement, ou encore qu’il a signé la charte documentaire. Dans ce dernier cas, l’exemplaire signé sera conservé dans le dossier de l’inscrit.

    Formes et présentation du règlement : de l’utile à l’agréable

    Deux exigences s’opposent en matière de règlement :

    • un énoncé juridique précis et sans faille ;
    • une présentation compréhensible et non rébarbative.

    Nous avons ainsi souvent conseillé pour des règlements intérieurs de bibliothèques municipales de produire deux versions : la version juridique officielle prise sous forme d’arrêté du maire, avec son langage administratif précis, et une version pour le public, qui présente les mêmes règles, mais sous une forme plus avenante et intelligible pour tous.

    De sorte que le règlement ne soit pas un pensum à lire (un repoussoir confirmant l’idée que le droit n’est qu’une suite d’interdits incompréhensibles).

    Lire aussi : Didier Frochot, le droit d'auteur en la majeur

    Exemple :

    • texte administratif : "Article 11 : Toute utilisation d’une œuvre d’un auteur sans l’accord de celui-ci est illicite, en dehors du strict usage privé du copiste, ce qui exclut leur diffusion en nombre ou à des tiers (articles L.122-4 et L.122-5 2° du Code de la propriété intellectuelle)" ;
    • texte destiné au public : "Conformément aux règles sur le droit d’auteur, vous ne pouvez utiliser un document protégé par le droit d’auteur que pour votre usage strictement personnel, en dehors de toute autre diffusion à des tiers (article 11 du règlement intérieur)".

    Comme on le voit, le texte destiné au public est juridiquement moins pointu, mais il rappelle la même règle. L’important est qu’il y ait un lien entre le texte grand public et le règlement juridiquement précis, d’où le renvoi au texte du règlement dans le texte pour le public.

    Nombreux sont les exemples de règlements intérieurs facilement consultables en ligne, notamment de grands services ou de centres publics.

    Synthèse

    Un règlement intérieur de centre de documentation est un outil de protection des professionnels de l’information-documentation et de l’entreprise.
    Il doit notamment permettre :

    • de rappeler à tous - donc aux usagers - les règles de droit et spécialement du droit d’auteur - que "nul n’est censé ignorer" ;
    • de délimiter soigneusement les responsabilités des personnels ainsi que celles de l’entreprise elle-même ;
    • d’aménager les pratiques professionnelles et l’usage des produits et prestations documentaires par les personnels ou le public.

    www.les-infostratèges.com

    Cet article vous intéresse? Retrouvez-le en intégralité dans le magazine Archimag !
    IA-nouvelles-technos-service-public
    Amélioration de la gestion des ressources, simplification des démarches administratives, automatisation de tâches répétitives, renseignement des citoyens… L’IA et les nouvelles technologies ont ouvert de nouvelles perspectives au service public. Mais quels sont leurs enjeux éthiques et sociétaux ainsi que leurs applications concrètes dans les domaines de la justice, de la lutte contre la fraude, de la cybersécurité et de la gestion de la relation citoyen?
    Acheter ce numéro  ou  Abonnez-vous
    À lire sur Archimag
    Les podcasts d'Archimag
    Pour cet épisode spécial Documation, nous nous sommes penchés sur une autre grande tendance de l'année 2024 : la cybersécurité, et plus particulièrement la sécurité dans le domaine de la gestion des données. La protection des données contre les menaces internes et externes est non seulement cruciale pour garantir la confidentialité, l'intégrité et la disponibilité des données, mais aussi pour maintenir la confiance des clients. Julien Baudry, directeur du développement chez Doxallia, Christophe Bastard, directeur marketing chez Efalia, et Olivier Rajzman, directeur commercial de DocuWare France, nous apportent leurs éclairages sur le sujet.
    Publicité

    Serda Formation Veille 2023