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Le « handicap carboné » de l’archivage électronique
L’archivage électronique (AE) s’inscrit dans la démarche du numérique responsable et du « green IT ».
Par essence, le numérique est consommateur de ressources comme les terres rares qui ont des impacts énormes sur l’empreinte carbone du fait des conditions de leur extraction.
Il est aussi grand consommateur énergétique de par sa consommation électrique sur l’ensemble de sa chaîne (réseau, infrastructures et autres appareils informatiques). Il génère des déchets aujourd’hui très difficiles à recycler.
Par rapport à des supports comme le papier ou même le microfilm qui sont recyclables et peu consommateurs, les technologies au service de l’archivage électronique partent avec un sérieux handicap, tout en pouvant contribuer, grâce à certaines dispositions et actions, à la sobriété numérique.
Cela est factuel et mesurable (pour référence de conversion : un fichier de 1 Mo conservé sur une durée standard de 10 ans a pour équivalent 40 g de CO2).
Lire aussi : Archivage électronique : comment mettre en place et gérer son système numérique
L’archivage électronique pour réduire l’empreinte carbone des systèmes d’information
Le rôle de l’AE est d’assurer l’intégrité, la pérennité et la sécurité des données. À ce titre, il permet de transférer des données toujours exploitables et accessibles provenant de systèmes à forte empreinte carbone comme une Ged ou un applicatif métier (CRM, finances, RH, technique, projets).
Les promesses d’un archivage opéré par une Ged pour un applicatif métier n’engagent que ceux qui les croient… Si vous avez cette vraie fausse bonne idée encore en tête, décarboner l’archivage consistera d’abord à mettre en place une vraie solution d’archivage et à supprimer les fonctions « stockage froid » des solutions de Ged, Gec, CRM, ERP, etc.
Autre cas de figure : celui de la solution obsolète que l’on doit décommissionner, mais qui est maintenue en parallèle de la nouvelle solution pour motif qu’on ne sait pas comment opérer le décommissionnement !
Citons également le stock des documents en support papier qui a été numérisé en mode copie fidèle (norme NF Z 42-026) et qui, faute d’un archivage électronique, est conservé en doublon avec occupation de surfaces elles-mêmes productrices d’équivalents carbone.
Ces transferts — versements ou flux d’archivage — ont pour conséquence d’alléger comme de supprimer les ressources machine dédiées aux usages métier. L’archivage électronique est vertueux en matière de réduction de l’empreinte carbone dès lors que la gestion du cycle de vie est maîtrisée de bout en bout (référentiel de records management Iso 15489).
Lire aussi : Sécurité de l'information et archivage électronique + les durées de conservation
6 leviers pour réduire le handicap carboné de l’archivage électronique
1. La mutualisation des ressources technologiques
S’il y a un levier de contribution à la réduction de l’empreinte carbone, c’est bien celui de la mutualisation.
Les premiers à l’avoir compris et immédiatement appliqué, ce sont les prestataires archiveurs (Locarchives Xelians, API, Novarchives, Arkhineo-Docaposte, etc.). Ils ont déployé un socle d’AE (data centers redondés, réseaux, solutions de gestion d’AE, administrations techniques fonctionnelles, et gouvernance associée). La contractualisation avec de nombreux clients publics comme privés pour les flux à archiver permet de mutualiser en évitant à chacun de s’équiper et de gérer le fonctionnement de son système d’archivage électronique (SAE).
Un SAE mutualisé réduit forcément son empreinte carbone. C’est du reste dans ce sens que se sont engagés les collectivités et les syndicats informatiques qui partagent des mêmes ressources SI et de service d’archivage avec leurs utilisateurs (quel que soit leur statut de déposant, partenaire de mutualisation, administrateur, etc.), comme SIB, Amadeo, Megalis, etc.
2. Des technologies de stockage réparties
L’archivage suppose des accès moindres aux données par rapport à une Ged ou une application métier. Un levier pour la réduction de l’empreinte carbone consiste à appliquer une démarche de spécialisation des technologies de stockage pour baisser la consommation énergétique.
Il s’agit de décliner les technologies adaptées aux besoins d’accès :
- ressources à accès rapide (full SSD) à des archives plus sollicitées ;
- ressources moins rapides à des archives d’accès plus épisodique (disques standards 1 500 ou 7 200 rpm) ;
- le hors-ligne, comme les bandes LTO, peut être exploité pour sa longévité et sa faible empreinte carbone associée à cette technologie.
Lire aussi : Comment l’archivage électronique facilite la conformité au RGPD
3. La granularité de la conservation de l’unité d’archives
Hormis les archives qualifiées de patrimoniales ou d’historiques, un énorme volume de données est à éliminer périodiquement selon le tableau de gestion et des durées de conservation institué en tant que référentiel dans l’organisation.
L’élimination au plus tôt selon la règle des durées est l’objectif poursuivi par un système d’archivage en bon fonctionnement. Nous parlons ici des archives courantes ou intermédiaires qui sont appelées à être éliminées.
Prenons l’image de la boîte d’archives physique avec plusieurs dossiers qui ont des durées de conservation différentes (un dossier à 10 ans, l’autre à 30 ans) : la durée de conservation réelle sera alors calée sur la durée la plus longue, ce qui va générer 20 ans de gaspillage pour le dossier à 10 ans.
En archivage électronique, le « paquet d’archives » peut inclure plusieurs dossiers ou documents ou données. Constituer des paquets d’archives à durée de conservation homogène est ici une bonne pratique pour éviter une consommation énergétique peu ou pas justifiée.
4. L’espacement des migrations de formats
Une des exigences d’un SAE est la lisibilité. Les formats des données archivés évoluent et malgré tous les efforts des organismes de standardisation, des formats ne passent pas les contrôles techniques périodiques. Les actions périodiques de migration d’un format dans un nouveau format sont à effectuer.
Ces travaux sont des projets réels et complets (études de faisabilité, développement, test, recette, réarchivage, surveillance). Ils génèrent des traitements machine de masse et la mobilisation de moyens de stockage temporaires importants.
Les pratiques actuelles démontrent qu’on peut, en choisissant des formats normés comme par exemple les gammes de PDF/A, prolonger la durée de vie d’une donnée dans un format.
La bonne pratique est d’étendre la durée usuellement observée de 5 ans à 10 ans, ce qui permet de diviser par deux la production de carbone générée par le traitement des migrations de format.
Lire aussi : Quel logiciel libre de gestion d’archives choisir ?
5. La suppression des doublons des données et documents
Les fichiers à archiver proviennent de multiples sources comme les messageries, les dossiers dans les Ged ou dans les systèmes de fichiers Windows. L’archivage de ces sources entraîne des doublons, triplons, etc. qui multiplient proportionnellement l’impact du système d’archivage sur l’environnement.
Bonne gestion en amont, détection des doublons par algorithmes de comparaison des empreintes et balises permettent de se prémunir contre ce risque. À une remarque près : ces algorithmes sont traités par des machines qui sont elles-mêmes consommatrices d’énergie. Une analyse détaillée doit répondre si le jeu en vaut la chandelle en sachant que plus la durée de conservation est longue, plus c’est le cas.
Ce traitement curatif est bien entendu à anticiper : gérer l’absence amont des redondances de données.
6. Le « juste traitement » sans superflu
Les versements de données et documents en archivage exigent des traitements de contrôle en entrée dans l’objectif que, à la restitution, les données soient réputées intègres et fiables.
Rappelons qu’une partie des données archivées sera à un moment donné éligible au titre de preuve sur requête judiciaire.
Les traitements sont par exemple le contrôle du certificat de signature électronique, le contrôle de format, le contrôle d’intégrité, le contrôle d’indexation en conformité avec des référentiels, le contrôle des entités et délégations de services producteurs et verseurs. Chaque contrôle et chaque métadonnée technique générée par le contrôle, comme également le nombre d’années de conservation au total, sont-ils tous en cohérence avec le niveau de risque associé à la donnée à archiver et conserver ? Ce levier est délicat à arbitrer et à ajuster en fonction du risque avéré ou évalué.
Gagner des centaines de milliers de traitements machine en entrée d’archivage vaut la peine d’évaluer finement les actions à opérer dans l’objectif de la réduction de l’empreinte carbone.
Lire aussi : Archivage électronique : comment (bien) archiver des données sensibles ou confidentielles ?
Pierre Fuzeau
DG de Serda-Archimag
Expert dématérialisation, Ged et SAE