CET ARTICLE A INITIALEMENT ÉTÉ PUBLIÉ DANS ARCHIMAG N°385
Sommaire :
- Dossier : Bibliothèques : les tendances qui pourraient transformer leur futur
- Ce que l’IA peut apporter aux bibliothécaires
- La médiation en mode IA, mais sous conditions
- Lutte contre la désinformation : les bibliothécaires à l’avant-poste
- Les bibliothèques au temps des compressions budgétaires
- S’engager pour un avenir écologique
- Inclusion et accessibilité en bibliothèque : vers une démarche active
- Bibliothèques et tiers-lieux : un futur en commun
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La France compte entre 5,7 et 18,2 millions d’enfants et d’adultes en situation de handicap, selon la définition utilisée. Mais alors que la lecture constitue une clé pour l’autonomie et l’émancipation, la prise en compte des handicaps dans les bibliothèques reste encore très variable et inégale. D’après une étude réalisée par l’Inspection générale de l’éducation, du sport et de la recherche publiée en février 2021, "la prise en compte des handicaps repose [trop souvent] sur l’investissement personnel d’un ou de quelques bibliothécaires, alors que l’accueil de tous les publics sans exception est inscrit au coeur du métier et du service public".
Et en matière d’accessibilité numérique, les plateformes de ressources numériques montrent, par exemple, un certain retard dans la prise en compte des règles d’accessibilité. Les moyens manquent, les outils peinent à être diffusés, et la culture de l’inclusion reste embryonnaire.
C’est dans ce contexte que Luc Maumet, consultant et formateur engagé dans l’accessibilité du livre auprès des publics empêchés et membre de la commission Accessibilité de l’Association des bibliothécaires de France (ABF), appelle à un changement de paradigme : "le problème n’est plus technique ni juridique. Il faut donner des moyens pour faire".
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Faire vivre l’inclusion en bibliothèque
En bibliothèque, parler d’inclusion relève d’une démarche active et structurée. Il s’agit notamment de proposer des collections adaptées (livres en braille, audios, Facile à lire et à comprendre ou "Falc"), des outils numériques compatibles avec les technologies d’assistance, une signalétique claire et un personnel formé pour accueillir avec bienveillance et compétence. "Aujourd’hui, les politiques d’acquisition à visée encyclopédique ne s’appliquent absolument pas aux livres audios, par exemple", déplore Luc Maumet. "Cela reste très marginal".
Deux leviers internationaux soutiennent l’accessibilité en bibliothèque : le Traité de Marrakech et l’International federation of library associations and institutions (Ifla). Le premier, adopté par l’Onu, autorise la diffusion d’œuvres en formats accessibles sans l’accord des ayants droit. En France, l’exception handicap permet à des structures, comme l’Association Valentin Haüy (que Luc Maumet a dirigée de 2006 à 2017), de produire et partager ces œuvres. Par ailleurs, "un tiers du catalogue de cette médiathèque provient de pays francophones, comme le Canada, très en avance sur ces solutions", indique-t-il. De son côté, l’Ifla élabore des normes techniques pour décrire les métadonnées d’accessibilité et mieux identifier les œuvres adaptées.
Malgré la loi de 2005, l’accès numérique recule et les objectifs du gouvernement sont revus à la baisse, alertait le Conseil national consultatif des personnes handicapées (CNCPH) dans une motion du 17 avril 2025. En 2023, moins de 2 % des sites internet de bibliothèques affichaient la mention d’accessibilité (pourtant obligatoire depuis 2019).
Pour Luc Maumet, ce recul s’explique par un désintérêt pour le numérique et par un manque de moyens, malgré l’investissement des bibliothécaires. Il défend une "banalisation de l’offre accessible", à intégrer, non comme une contrainte, mais comme un critère de qualité du service public. Aux États-Unis, par exemple, ces solutions ne datent pas d’hier : dès 1931, le National library service for the blind and print disabled (NLS) fournit gratuitement des livres audio et en braille.
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Utopie 2050
Le rêve de Luc Maumet : "En 2050, la bibliothèque idéale permettrait à toute personne, handicapée ou non, de dire “c’est ma bibliothèque”, grâce à une accessibilité universelle pensée dès la conception, portée par le numérique".