Les archives et le patrimoine ont encore de beaux projets de
numérisation devant eux ! En effet, on trouve encore sous forme papier ici des fonds anciens ou contemporains à fort intérêt patrimonial, là des documents qu’il est utile de mettre à disposition sous forme dématérialisée ou qui pourraient ainsi connaître une seconde vie — entendez régénérer de la valeur.
Ce dossier rappelle le long engagement des institutions culturelles en France en faveur de la numérisation. Elles restent toujours actives sur ce front, tandis que le secteur privé connaît lui aussi des opérations d’ampleur. Trois exemples viennent l’illustrer.
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Sommaire du dossier :
La crise sanitaire du Covid-19 n’est une partie de plaisir pour personne.
Mais elle est également l’occasion pour des millions d’internautes de découvrir le patrimoine à distance. On ne compte plus les initiatives lancées par les institutions culturelles françaises pour apporter la culture à domicile : des expositions virtuelles, des archives numérisées, des spectacles filmés et mis en ligne…
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De la numérisation du patrimoine à la culture à distance
La Bibliothèque nationale de France, l’Institut national de l’audiovisuel et les services d’archives (parmi beaucoup d’autres) ont rivalisé d’imagination pour proposer gratuitement aux citoyens un accès à la culture dématérialisée.
En une vingtaine d’années, de très nombreux projets de numérisation patrimoniale ont vu le jour en France. Il est cependant extrêmement difficile de tous les recenser avec précision.
Selon le « catalogue numérique » du ministère de la Culture, 3 125 collections provenant de 920 institutions sont disponibles en version numérique. En réalité, ce chiffre doit être largement revu à la hausse car ce recensement remonte à 2014. Entre-temps, de nouveaux projets ont vu le jour et l’offre s’est enrichie.
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Gallica et Europeana : des millions de documents numérisés
Gallica, la vitrine numérique de la Bibliothèque nationale de France, a ainsi passé le cap des 6 millions d’objets numérisés au mois de février 2020. Son patrimoine est d’une diversité exceptionnelle : des cartes, des images, des partitions, des manuscrits, des livres, des enregistrements sonores… Et même une partie de la splendide collection de globes terrestres et célestes qui peuvent être visualisés depuis chez soi avec un niveau de détail inédit. Au mois de novembre dernier, ce sont les fiches de lecture du philosophe Michel Foucault qui ont été mises en ligne et qui sont désormais librement accessibles.
Si l’on passe à l’échelle européenne, les chiffres donnent le vertige. À elle seule, la bibliothèque numérique Europeana donne aujourd’hui accès à plus de 50 millions de titres numérisés : œuvres d’art, cartes, manuscrits, presse…
Tous ces corpus sont numérisés par les 3 500 institutions nationales qui participent à l’aventure Europeana. En France, la BNF et Le Louvre et la Bibliothèque nationale et universitaire de Strasbourg fournissent leurs collections dématérialisées à la bibliothèque européenne qui fait office d’interface d’accès.
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Archives nationales : de Gaulle en version numérisée
La BNF n’est bien entendu pas la seule institution à procéder à la numérisation de ses collections. Du côté des archives, les projets sont engagés depuis longtemps et sont appelés à se développer.
L’année 2020 a été l’occasion de se pencher sur l’œuvre numérisée du Général de Gaulle. Les brouillons autographes et dactylographiés des 635 discours prononcés par le Général entre mai 1946 et avril 1969 — soit l’équivalent de 9 980 pages — ont été intégralement numérisés et mis à la disposition des internautes via la salle des inventaires virtuels des Archives nationales.
« À l’issue d’un chantier de numérisation (…) chaque discours a fait l’objet d’une triple indexation très fine, par mots-clés, qui constituent le fil conducteur de la pensée politique du général de Gaulle et soulignent les principaux thèmes qu’il souhaitait aborder en France et à travers le monde », précisent les Archives nationales.
Les fonds photographiques de la présidence de Gaulle (1958-1969) ont également fait l’objet d’une campagne de numérisation entre 2012 et 2014, soit 8 057 photographies (des positifs et des négatifs).
La numérisation s’applique également à d’autres types de documents.
« Nous travaillons sur beaucoup de fonds d’intérêt généalogique », expliquait récemment Bruno Ricard, directeur des Archives nationales, à nos confrères de La Revue française de Généalogie ; « les dossiers individuels de la Marine d’Ancien Régime, numérisés et inventoriés nominativement, les lettres de provisions d’office de 1740 à 1793, les 15 000 dossiers de naturalisation des personnes dénaturalisées sous Vichy sont en cours de traitement ».
Ina : l’archéophone, une invention française pour numériser des dictabelts
L’Ina, de son côté, procède depuis longtemps à la numérisation des archives audiovisuelles publiques dont elle a la responsabilité. En 1999, un plan de sauvegarde et de numérisation (PSN) des archives de l’Ina était lancé pour préserver les fonds de télévision et de radio anciens, menacés de disparition.
À l’époque, on estimait que la moitié des fonds était menacée, soit plus de 220 000 heures pour la télévision et 300 000 heures pour la radio. Vingt ans plus tard, quelque 335 000 heures de télévision et près de 500 000 heures de radio ont fait l’objet d’un traitement de sauvegarde.
Le savoir-faire de l’Ina lui a même valu d’être retenu par le gouvernement sud-africain pour numériser et restaurer les archives sonores du procès de Nelson Mandela de 1964. Enregistré sur un support physique (le dictabelt, un cylindre de vinyle souple fragile), ce procès donna lieu à plus de 230 heures d’enregistrements. Malheureusement, ces archives sonores avaient été endommagées lors d’une première tentative de numérisation par la British Library en 2001.
Grâce à « l’archéophone », inventé par le chercheur Henri Chamoux, les dictabelts ont retrouvé une seconde jeunesse. Après quinze mois de travail, l’Institut national de l’audiovisuel remettait la totalité des archives sonores numérisées au président sud-africain Jacob Zuma à l’occasion de la visite officielle du président sud-africain à Paris en 2016.
Programme national de numérisation et de valorisation des contenus culturels
Les services d’archives départementales se sont également lancés dans la numérisation de fonds, de même que certaines villes dotées de service d’archives communales. On peut y ajouter, par exemple, les archives pénitentiaires de l’École nationale d’administration pénitentiaire couvrant les XIXe et XXe siècles. Soit un total de 80 000 pages.
Ces réalisations ne sont pas le fruit du hasard. Il faut remonter un demi-siècle en arrière, en 1996 pour trouver l’origine du programme national de numérisation et de valorisation des contenus culturels (PNV) qui encadre les chantiers de numérisation. Piloté par le ministère de la Culture, ce plan porte sur la numérisation des fonds iconographiques et sonores appartenant à l’État (archives nationales, bibliothèques, services de l’archéologie, monuments historiques, musées, etc.).
Depuis 2000, il concerne également les fonds appartenant aux collectivités locales, aux fondations et associations. Il s’est ouvert à la création contemporaine à partir de 2010.
Au cours de l’été 2020, plusieurs départements de la région Hauts-de-France ont répondu à l’appel à projets numériques lancé par le ministère de la Culture. Les archives départementales de la Somme et les archives de l’agglomération de Compiègne figurent parmi les heureux élus.