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Au sommaire :
- Dossier : Bibliothèques : quels enjeux en 2023 ?
- Bibliothèques municipales : un dynamisme perpétuel
- Bibliothèques départementales : convergence sociale, citoyenne et environnementale
- Bibliothèques universitaires : entre reprofilage des postes, décrochage des moyens et production de données
- Bibliothèques spécialisées : le cas spécifique du Collège de France
En 2016, le département des Yvelines annonce la fermeture de sa bibliothèque départementale. Un mauvais signal pour les professionnels du secteur qui voient dans cette suppression un repli du département ainsi qu’un pas en arrière pour le développement de la lecture publique et craignent un effet de rebond sur d’autres collectivités.
Aujourd’hui, ce cas de figure ne pourrait plus se présenter. En promulguant la loi Robert en décembre 2021, le gouvernement a sécurisé l’existence et la légitimité des bibliothèques départementales (BD). Désormais, les élus ne peuvent « ni les supprimer ni cesser de les entretenir ou de les faire fonctionner ». Au-delà de cette évolution importante, le texte entérine aussi définitivement le rôle et les missions de ces équipements.
Officiant sous le nom de bibliothèques centrales de prêt (BCP) à leur création en 1945, les bibliothèques départementales ont été créées pour desservir en livres les communes de moins de 20 000 habitants.
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Si la France en comptait huit au départ, elle bénéficie désormais de 94 BD sur son territoire. Dès les années 1980, avec la loi de décentralisation, les bibliothèques départementales sont entrées dans le giron des départements et leur vocation évolue au fil des années.
« Depuis que nous avons été transférées aux départements, ce rôle de soutien et d’ingénierie envers les communes puis les intercommunalités s’est progressivement renforcé », expliquent Céline Meneghin et Christel Belin, coprésidentes de l’Association des bibliothécaires départementaux (ABD). « Aujourd’hui, nous devons toujours nous assurer d’un aménagement équilibré des territoires. D’ailleurs, nos prochaines journées d’étude porteront sur les stratégies d’aménagement au regard de la désertification rurale ainsi que sur le rôle de la bibliothèque départementale et de la bibliothèque dans son village pour lutter contre cette désertification. »
Faire subsister les lieux
Car des trous dans la raquette, il y en a toujours… « Dans notre département, toutes les communes n’ont pas de bibliothèque », confirme Luce Perez-Tejedor, cheffe de service Bibliothèque départementale des Côtes-d’Armor. « Nous les appelons les zones blanches. Notre mission est de permettre à ces lieux de première nécessité culturelle d’exister. »
Au-delà de cette problématique majeure, les BD doivent aussi faire face à une crise du bénévolat. Une question critique, puisqu’aujourd’hui les réseaux des bibliothèques départementales sont composés de 80 à 90 % de bénévoles, selon les territoires.
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« C’est un constat national », reprennent Céline Meneghin et Christel Belin. « De nombreux bénévoles s’en vont sans remplacement. Avant Covid, nous avions l’habitude d’observer ce mouvement. Certains partaient parce que l’équipe municipale ne se représentait pas ou parce qu’ils étaient âgés et souhaitaient passer le relais. Mais il y avait toujours une bonne rotation. Là, la situation devient vraiment compliquée : c’est un phénomène qui semble s’inscrire dans le temps et qui peut mettre en péril le maillage de grande proximité. »
Pour Luce Perez-Tejedor, il faut continuer à développer la professionnalisation de ces lieux. « Il y a une problématique autour des bénévoles et de leur temps disponible, mais nous voyons bien que la sous-professionnalisation, qui impacte les actions menées, ou encore l’amplitude d’ouverture de ces lieux, va mettre à mal la continuité du service public. Le ministère de la Culture recommande un ratio d’un emploi à temps plein pour 2 000 habitants. C’est notre travail de sensibiliser les élus à la nécessité de ces variables. Sans cela, la lecture publique ne peut pas se développer. »
Un catalogue de formations qui s’adapte
Selon le principe des vases communicants, les enjeux des bibliothèques municipales deviennent ceux des départementales. « Nous les accompagnons pour qu’elles soient un lieu de convergence sociale, citoyenne et environnementale », reprend Luce Perez-Tejedor. « Elles sont l’interface de tous ces enjeux et c’est notre travail de faire en sorte qu’elles soient inclusives et deviennent des espaces d’« empowerment » (« empouvoirement ») pour les citoyens. »
La BD est également créatrice de supports pour accompagner ces défis à travers des « malles numériques » ou autres outils de médiation. « Le développement de collections spécifiques (« facile à lire », adaptées à la dyslexie, grands caractères…) est au cœur de notre magasin », indique Luce Perez-Tejedor. Les problématiques d’égalité des genres et de transition écologique font aussi partie des défis à relever dans la constitution des collections.
Pour mener à bien ces grands chantiers, la formation est un enjeu crucial. Fonction centrale de la bibliothèque départementale, la formation des bénévoles et des professionnels s’est d’ailleurs adaptée aux nouvelles pratiques. « Nous proposons davantage de formats hybrides et c’est une évolution importante », précisent Céline Meneghin et Christel Belin. Même s’il n’est pas forcément plébiscité, le format en ligne peut permettre à certaines bibliothèques très excentrées ou en montage de bénéficier de la formation. »
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Inclusion, usage du numérique, transition écologique, éducation aux médias et à l’éducation… Autant de sujets sur lesquels les BD apportent leur expertise. « Dans notre catalogue de formations, nous proposons systématiquement des thématiques sociales en lien avec l’inclusion et l’accessibilité pour les publics éloignés du livre et de la lecture, détaille Luce Perez-Tejedor. Nous l’ouvrons aussi aux travailleurs sociaux ou aux professionnels de la PMI, car ces ils peuvent utiliser la lecture comme levier pour leur public. »
Les bibliothèques départementales ont aussi de plus en plus de demandes autour de la construction de projets participatifs ou mutualisés (bibliothèque hybride). « Nos programmes de formation sont le reflet des demandes et besoins émergents », constatent Céline Meneghin et Christel Belin.
Zoom sur la médiathèque départementale de l'Aveyron - Coconstruire : enjeux et solutions
Sous l’impulsion politique du département de l’Aveyron, sa Médiathèque départementale (MDA) pilote une démarche d’innovation autour des nouveaux usages en bibliothèque depuis septembre 2022. Pour ce faire, dix agents de la MDA et cinq du département se sont formés aux méthodes de concertation collaborative et à l’élaboration d’ateliers de concertation avec l’école de la facilitation.
« Nous souhaitions au départ questionner notre réseau sur le rôle et la place qu’occupent leurs bibliothèques afin d’ajuster nos services aux besoins », explique la MDA. « Très vite, la notion de nouveaux usages s’est imposée et elle ne pouvait plus seulement être abordée du point de vue des bibliothécaires. La prise en compte des usages nous demandait d’ouvrir les échanges plus largement et de nous tourner vers les usagers, les élus, les acteurs culturels et les citoyens. »
Dessiner un portrait-robot
En mars 2023, quatre ateliers sont organisés sur le territoire rassemblant 133 participants aux profils variés, avec une matinée de restitution prévue le 22 juin. « Cet échange révèlera le portrait-robot de la bibliothèque de demain ainsi que les axes à travailler dans notre schéma de lecture publique pour favoriser l’émergence de nouveaux usages en bibliothèques en Aveyron. »
Sur une page dédiée au projet participatif, un mur virtuel compile déjà toutes les productions des participants. « Si cette démarche demande une grande préparation et une implication importante de l’équipe MDA, nous le considérons comme du temps gagné pour les années à venir : les acteurs de terrain ne découvriront pas totalement le projet. Nous évitons ainsi l’écueil d’un schéma théorique «hors sol», un peu déconnecté des réalités territoriales. »