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C’est une ville dans la ville. Un rectangle de plusieurs hectares qui regroupe des dizaines de bâtiments dédiés à la pédiatrie, à la chirurgie, aux neurosciences et à la médecine nucléaire. Ses origines remontent au milieu du XVIIe siècle et son architecture hétéroclite rappelle que le lieu a connu une très longue histoire rythmée par les progrès de la médecine.
Aujourd’hui, 4 500 professionnels de la santé accueillent près de 100 000 patients en urgence chaque année. La maternité a également enregistré 3 549 naissances en 2020.
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La conservation des archives de l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP)
À quelques encablures de Paris, l’hôpital Bicêtre abrite aujourd’hui une autre spécialité : la conservation des archives de l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP). Le site accueille 18 kilomètres linéaires de documents administratifs et médicaux produits par l’administration centrale de l’AP-HP, mais aussi par les 39 hôpitaux qui en dépendent. « Les fonds les plus anciens remontent au XIVe siècle (Hôtel-Dieu, Saint-Jacques-aux-Pèlerins), mais ont fortement souffert de l’incendie de l’Hôtel de Ville qui, en 1871, a détruit 80 % des archives », explique Hélène Servant, chef du département des patrimoines culturels.
« Les quelque 18 kilomètres d’archives actuels concernent surtout les XIXe et XXe siècles : gouvernance, personnel de l’AP-HP, registres dits de population tenus par les bureaux des admissions des hôpitaux (très utilisés par les généalogistes), registres médicaux… À ce riche ensemble, s’ajoute un fonds iconographique non négligeable constitué de plans, de photographies d’architectures intérieures et extérieures, de matériels, d’affiches… »
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La « Cité des archives »
Pour accéder à ce patrimoine documentaire, les archivistes sont tenus d’observer un protocole sécurisé. Ils doivent d’abord quitter le bâtiment administratif Mathieu-Jaboulay qui accueille la salle de lecture et marcher pendant quelques minutes pour atteindre un édifice sans grâce. Après avoir poussé une série de lourdes portes, au quatrième sous-sol, les ondes des téléphones portables ne passent plus.
Les archivistes doivent se munir d’appareils spéciaux pour communiquer avec l’extérieur. Alors que plus un bruit ne se fait entendre, apparaît « la cathédrale », un impressionnant dédale de hangars gigantesques et de piliers colossaux. Sur un mur, un panneau indique « La cité des archives »…
Au total, 35 magasins accueillent les 18 kilomètres linéaires d’archives de l’AP-HP.
Sur les rayonnages, d’imposants volumes d’archives racontent la vie des 39 hôpitaux du réseau AP-HP : maternité de Port-Royal, Necker, Lariboisière, Hôtel-Dieu… Parmi les curiosités, on trouve un répertoire des médecins conçu de façon ingénieuse avec des petites fiches nominatives qui viennent s’imbriquer dans le registre. Sur ces fiches volantes figurent le nom, la date de naissance, l’entrée en fonction et le montant des « indemnités » des médecins.
Le plus ancien document, quant à lui, remonte à… 1189 ! Il s’agit d’une lettre sur parchemin de Philippe II confirmant le don fait à l’Hôtel-Dieu par Mathilde, femme de Simon de Poissy.
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Une convention d’autonomie depuis 2010
À la faveur d’une convention signée avec l’administration des Archives de France en 2010, l’AP-HP jouit d’une autonomie de gestion et de conservation de ses archives.
« À ce titre, j’autorise la destruction d’archives, je valide les versements d’archives, et je décide de l’externalisation des archives intermédiaires auprès d’un prestataire après la rédaction d’un cahier des charges très détaillé », précise Hélène Servant.
Chartiste passée par les Archives nationales, le Siaf, le ministère des Affaires étrangères et divers services d’archives départementales, elle est également à l’origine du nouveau portail de recherche des archives de l’AP-HP. À ce jour, l’outil propose 83 outils de recherche, 40 000 notices et plus de 500 000 images et pages de registres numérisées.
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Un portail pour accéder en ligne aux archives de l'AP-HP
« Ce portail a vocation à donner de la visibilité à notre patrimoine à travers plusieurs thématiques : les registres de population pour accéder aux informations relatives à la population passée dans les hôpitaux anciens et actuels de l’AP-HP, les parcours individuels pour rechercher des informations sur une personne précisément identifiée, la recherche générale qui permet d’accéder à l’ensemble des instruments de recherche, de manière libre ou par mots-clés… Nous avons fait le choix de la qualité avec une reprise des notices existantes. Cela prend du temps, mais nous permet d’enrichir le portail à un rythme mensuel ».
La numérisation des fonds a été confiée à plusieurs prestataires bien connus de la place (Arkhênum, Archimed…), alors que l’architecture du portail a été réalisée par les équipes de la société Ligeo Archives. Chaque document numérisé fait l’objet d’une description et peut être téléchargé par les internautes.
Votre ancêtre est né à l’hôpital Cochin en 1866 ? Le formulaire « Registres de la population » permet de trouver la cote et de visualiser les pages du registre en ligne. Vous voulez en savoir plus sur les grands médecins Henri Mondor ou Jean-Martin Charcot ? Les fiches de scolarité des internes sont également mises à disposition du public. Quant aux chercheurs qui sont en quête de documents plus techniques, ils utiliseront d’autres instruments de recherche comme le registre de comptes-rendus opératoires.
Et pour accroître la visibilité de ce patrimoine documentaire, les archivistes de l’AP-HP utilisent les réseaux sociaux (Twitter, Facebook) afin de signaler la mise en ligne de nouveaux documents. « Nous souhaitons faire émerger toutes les ressources documentaires dont nous disposons », explique-t-on à Bicêtre.
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Comment accéder aux archives de l’AP-HP ?
L’accès aux archives de l’AP-HP est ouvert à toute personne désireuse de découvrir ce fonds méconnu au 78 rue du Général Leclerc, Le Kremlin-Bicêtre (Métro : Le Kremlin-Bicêtre - ligne 7.
La salle de lecture, installée dans le bâtiment Mathieu-Jaboulay au cœur de l’hôpital Bicêtre, est ouverte du mardi au jeudi, de 9 heures à 17 heures en continu. Les commandes se font sur place et les levées ont lieu quatre fois par jour. Trois postes informatiques permettent de consulter les fonds numérisés et un espace est prévu pour les grands formats.
« En termes de réglementation, c’est naturellement le Code du patrimoine et notamment son livre II consacré aux archives qui s’appliquent, puisqu’il s’agit pour l’essentiel de fonds publics », précise Hélène Servant.